Le mythe d’Œdipe Roi raconte l’union incestueuse du roi de Thèbes avec sa mère. Sous la plume de Nancy Huston, Œdipe Roi devient Jocaste reine, un regard féminin sur un mythe millénaire.
Émilie Rioux
Sur scène, Œdipe et Jocaste, unis dans leur passion amoureuse, sont entourés de leurs quatre enfants dans leur demeure royale. L’histoire est la même, le point de vue est différent. C’est celui de Jocaste, s’agrippant à son bonheur, une Jocaste à la sexualité épanouie, une Jocaste amante, mais par-dessus tout, une mère qui chérit sa progéniture et se voit revivre dans les yeux de ses enfants. C’est la parole de la femme qui est exprimée, tant par le texte que par la mise en scène de Lorraine Pintal, puisqu’on traite avant tout de la relation mère-fille, tandis que les deux fils, rôles muets, occupent une fonction plus accessoire.
Louise Marleau est rayonnante en reine grecque, incarnant avec subtilité la beauté flétrissante supportant l’éternel conflit de la femme entre son statut de mère et d’amante. Narrateur de l’action, un coryphée freudien (Hugues Frenette) sert d’intermédiaire entre le public et la scène, entre le présent et le passé. Un ajout délectable pour les spectateurs déjà familiers avec le mythe, puisque ce narrateur soulève avec humour les incohérences de cette intrigue intouchable.
Un magnifique décor, signé Jean Hazel, se désagrège lentement au fil de l’histoire, symbole de l’effondrement de la cité et de l’éclatement familial. Un plancher amovible révèle un bassin d’eau qui deviendra l’arène d’Étéocle et de Polynice, les deux héritiers d’Œdipe déjà en confrontation. Quoiqu’il y ait une belle tentative de stylisation, les séquences d’entraînement au combat sont redondantes et n’arrivent malheureusement pas à trouver leur place au sein de la tragédie.
Somme toute, Jocaste reine est une pièce pertinente, qui trouve sa force dans la remise en perspective d’une histoire d’hommes, où la femme n’avait qu’un rôle secondaire. Une mise en scène efficace, des acteurs crédibles et le cri du cœur d’une mère résonnant de l’Antiquité jusqu’à nos jours.
Quoi ? Jocaste reine
Qui ? Texte : Nancy Huston, mise en scène : Lorraine Pintal
Où ? Théâtre de la Bordée
Quand ? Jusqu’au 24 mars
Crédit photo : Courtoisie, Nicola-Frank Vachon