Critique théâtre : L’art de la chute

Le Théâtre Périscope présente en ce moment une création originale de la compagnie Nuages en pantalon traitant de l’économie et du marché de l’art. L’art de la chute propose un retour en 2008 au moment de la crise bancaire et financière tout en mettant de l’avant les ventes d’œuvres de l’artiste contemporain Damien Hirst.

C’est dans un décor minimaliste, mais efficace que l’histoire unique d’une artiste québécoise voulant dénoncer le monde de la finance est mise en scène. Les quelques éléments scéniques serviront, lorsque déplacés, à créer un tout nouvel espace transportant le public tant dans un Starbucks qu’à une vente aux enchères chez Sotheby’s.

Les dialogues et apartés, bourrés d’informations factuelles et techniques sur la crise des subprimes et le marché de l’art, sont faciles à comprendre. Les comédiens ont tous participé, de près ou de loin, à la création de cette pièce critique et mordante, et c’est sans doute pour cette raison que chaque ligne est jouée de façon juste et parfaitement sentie.

La compagnie a travaillé pendant près de quatre ans et s’est même associée à la Galerie 3 de Québec pour valider leurs informations et installer une exposition temporaire dans le hall du Périscope. Des œuvres de BGL, Cooke-Sasseville, Annie Baillargeon, Martin Bureau et Mathieu Valade accueillent ainsi les spectateurs lors de l’arrivée. Celles-ci peuvent être admirées lors de l’entracte.

L’Art dans l’argent?

Si L’art de la chute s’avère être une pièce en tous points intéressante, bien rythmée, intelligemment jouée et mise en scène, il en reste que son thème principal semble avoir été figé dans le béton dès les premières secondes et peut se résumer par un conflit manichéen entre le bon art et le mauvais art; le bon pauvre et le méchant riche.

La pièce se veut une attaque de front au capitalisme et à la « financiarisation progressive de l’économie », mais écorche au passage le principe de valeur de l’art, la rabaissant à des chiffres et des ventes uniquement.

Le personnage principal, ayant remporté une bourse pour le studio du Québec à Londres, quitte pour six mois sa production dénonçant l’industrie du cuivre, qui ne lui permet pas de gagner sa vie. Ironiquement, son exposition finale londonienne, qui critique Wall Street, fera un tabac et ses ventes pourront rapidement se comparer à celles de Damien Hirst critiquées par la pièce. La trentenaire fabriquant de l’art pur avec de bonnes intentions deviendra rapidement une artiste inatteignable faisant du mauvais art qui rapporte.

Sans vouloir prendre la défense du marché de l’art, des grandes maisons comme Sotheby’s ou même de Damien Hirst lui-même, il est important de mentionner qu’une œuvre n’est pas que son prix ou sa renommée, et que sa valeur est rarement son sujet­ – sauf, justement, dans le travail de Damien Hirst.

On pourrait faire mille reproches à cet artiste, mais est-ce que faire de l’argent avec son art est un réel problème? Surtout que sa pratique elle-même joue sur cette idée de créer une « marque de commerce », un « brand », et d’imiter le modèle économique actuel.

Est-ce que les œuvres d’Hirst sont achetées pour leur valeur matérielle, esthétique, conceptuelle ou seulement parce que le nom de l’artiste y figure? Il n’y a pas de vraie réponse à cette question, mais le simple fait de la poser vient satisfaire tous les critères nécessaires pour trouver la part artistique dans la valeur économique de son travail. Ce que semble oublier L’Art de la chute.

Est-ce que Hirst profite d’un système qui l’a rendu riche? Certainement. Est-ce que faire de l’argent transforme un artiste en requin ? À chacun d’y répondre.

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