Percevoir l’invisible

Qui n’a pas déjà souhaité devenir invisible? L’équipe de David Smith, de l’Université Duke en Caroline du Nord, semble enfin avoir percé le mystère de l’invisibilité. L’élément clé: les métamatériaux. Ces matériaux sont composés de matières artificielles aux propriétés électromagnétiques. Le principe de l’invisibilité repose sur la façon dont la lumière est réfléchie, absorbée et dispersée. «La lumière et les ondes électromagnétiques sont guidées par des métamatériaux, dont les propriétés leur font contourner l’objet, telle l’eau d’une rivière coulant autour d’une roche», explique David Smith, professeur en ingénierie et en informatique. Selon Henri Arsenault, professeur émérite au Département de physique, génie physique et optique de l’Université Laval, on peut voir un objet parce que la lumière rebondit sur sa surface et est réfléchie vers nos yeux. «Si la lumière n’est pas réfléchie sur l’objet et qu’elle peut passer au travers par l’arrière, celui-ci nous paraîtra invisible», précise M. Arsenault.

À l’opposé du chercheur David Smith, deux équipes chinoises de l’Université Jiao Tong de Shangai et de l’Université de Hong Kong ont trouvé comment dissimuler quelque chose d’invisible, par un voile, une anti-cape si on veut. Pour les mordus d’Harry Potter, cela correspond un peu à la plate-forme 9¾. Ce mur de brique, en apparence normale pour n’importe quel «moldu», permet aux magiciens d’aller à Poudlard, une école de magie, en passant au travers. Dans le numéro de septembre du journal Optics Express, les chercheurs décrivent comment un mur vide pourrait être muni d’entrées invisibles. «C’est magique et terrifiant à la fois», indique John Pendry, physicien au Imperial College de Londres. C’est le même principe qui permet de voir au travers la cape d’invisibilité, pour la personne qui la porte. Encore une fois, tout repose sur la façon dont la lumière réagit avec l’objet.

Les scientifiques ne s’emballent toutefois pas trop vite. Jusqu’à maintenant, l’invisibilité n’a été créée qu’en laboratoire. Elle est difficile à reproduire et ne fonctionne que sur une étroite bande de longueurs d’onde. «L’expérience du Dr Smith a été réalisée avec des micro-ondes», souligne Henri Arsenault. Aucun scientifique n’a réussi à rendre un objet invisible aux longueurs d’onde que nos yeux sont capables de percevoir. «Ce sujet est un exemple d’extrapolation bien au-delà de ce qu’on peut faire actuellement. Mais il n’est pas exclu qu’on puisse faire, un jour, des habits qui rendent les soldats invisibles, par exemple. Pour le moment, de telles applications relèvent de la science-fiction», conclut Henri Arsenault.
 

Auteur / autrice

Consulter le magazine