De nombreuses activités gratuites sont organisées au centre-ville du 18 au 24 septembre dans le cadre du 40e anniversaire du Comité populaire Saint-Jean-Baptiste (Compop). L’organisme en défense de droits raconte les luttes sociales majeures des quatre dernières décennies à Québec, à travers un parcours dans le quartier et une série d’événements.
Une épluchette et une projection de films relatant l’histoire du Compop et du quartier sont organisées au Parc Berthelot le lundi. Le mardi, des conférences sur des questions de développement, de transport et d’aménagement seront présentées à 19h au Centre culturel et de l’environnement Frédéric Back. Une soirée d’improvisation sur des thèmes liés au Compop en collaboration avec la VIE (ligue d’improvisation de la Ninkasi) aura lieu le mercredi à 20h. Un souper des grandes retrouvailles est organisé jeudi au gymnase de l’école Saint-Jean-Baptiste. La semaine se conclut le dimanche avec un rendez-vous musical classique « spécial 40 ans du Compop » à 18h30 à l’Arquemuse.
L’un des rendez-vous intrigants est celui du samedi, alors qu’un rallye est organisé dans le quartier sous le thème Luttes passées et futures : construire le quartier que nous voulons. « Ce sont des luttes qui ont marqué le quartier, présente le permanent du Compop, Vincent Baillargeon. Il y en a qui ne sont pas finies, ce qui permet de faire le lien. Et d’autres qui commencent. J’invite les gens qui s’intéressent à l’histoire à venir au rallye. »
C’est en marge d’une manifestation contre le projet de loi 70 qu’Impact Campus a rencontré le diplômé en économie et en relations industrielles de l’Université Laval, Vincent Baillargeon, récemment devenu le permanent du comité.
Forgé dans la lutte
La longue histoire de l’ilot Berthelot débute en 1970, alors que six petites maisons ont dû résister à la démolition lors du réaménagement de la colline parlementaire, ainsi qu’aux menaces d’expropriation qui leur ont été adressées pendant plus d’une vingtaine d’années.
Trois ans après la campagne électorale de 1989 pendant laquelle il s’était engagé à protéger la fonction résidentielle de l’ilot, le maire Jean-Paul l’Allier envisageait la construction d’une tour à huit étages, qui est finalement tombée à l’eau. Inquiets de la situation précaire de leur logement, les locataires se sont organisés en 1995 afin d’en faire une coopérative d’habitation, ce qui a poussé la ville à céder quatre maisons, tout en conservant une partie des bâtiments. Le Compop a organisé l’occupation du 920 de la Chevrotière à l’été 2002 et en a fait un véritable squat autogéré. En 2004, le groupe Casot a renoncé à son projet de condos de luxe, ce qui confirme la création de la coopérative l’Escalier.
« La bataille de l’ilot Berthelot reste, dans l’imaginaire populaire, l’une des plus grandes victoires, raconte Vincent. L’importance des coopératives d’habitation dans le quartier est primordiale, car les loyers sont de plus en plus chers. Selon nos chiffres, un peu moins de 2000 foyers y consacrent plus de 30% de leur budget. »
Pour illustrer l’historique des luttes du Compop, il aurait été possible de choisir n’importe quels des 12 lieus et histoires présentées dans le rallye. Le Sommet des Amériques, le Boisé des sœurs Franciscaines, la garderie coopérative Saint-Jean-Baptiste et la place de la communauté gaie et lesbienne, pour en nommer quelques-uns, méritent la même attention.
« Le comité Saint-Jean-Baptiste s’est vraiment formé dans la lutte, ajoute-t-il. Il y a 40 ans, ils voulaient passer une autoroute en plein milieu du quartier, les résidents et résidantes se sont opposé-e-s. Ils n’ont pas voulu quitter leur logement, et ils ont gagné. »
Des luttes sociales de cette ampleur doivent se mener à plusieurs niveaux. Dans un premier temps dans la rue, mais aussi auprès des élu-e-s municipaux, provinciaux et fédéraux. « C’est un rapport de force, explique Baillargeon. Les élections s’en viennent. On veut quelque chose, mais ils ont aussi quelque chose à gagner. Il faut travailler avec les différents paliers au quotidien, comme on doit traiter avec la police. »
« Nos moyens d’action vont de la manifestation, à l’occupation, au point de presse à l’Assemblée nationale, précise l’ancien étudiant de l’UL. Il faut créer un rapport de force là-dedans, une vie démocratique et une accessibilité sociale. D’un autre côté, il faut faire réagir. »
« Le comité vient vraiment de cette lignée de défense de droits des personnes vivant dans Saint-Jean-Baptiste, poursuit-il. Il s’agit de dire, oui il y a une mixité, mais il y a des gens qui restent ici. Malheureusement, ceux-ci passent souvent en dernier. »
Une année chargée
Le Compop est composé de deux principaux comités. Le comité d’aménagement urbain travaille en ce moment à faire de la rue des Zouaves et d’une partie de la rue de la Chevrotière, des rues partagées, ce qui signifie d’aménager l’espace afin que les voitures, les piétons et les vélos puissent circuler de manière sécuritaire et agréable. Éclairage, limite de vitesses réduites à 20 km/h et espaces verts font partie des modifications réclamées.
« C’est un concept européen, indique Baillargeon. On doit avoir l’impression d’entrer dans un cours arrière. Dans le quartier, les gens marchent déjà dans la rue en raison des trottoirs trop petits. »
L’organisme espère ainsi relier la basse-ville et la haute-ville par les endroits les moins escarpés, la rue Saint-Claire qui relie l’ascenseur du Faubourg à la rue Saint-Jean étant déjà une rue partagée. Un plus pour les résidents et résidentes du quartier, mais aussi pour les touristes et les employé-e-s de la colline Parlementaire. La circulation de transit et le transport en commun feront aussi partie des dossiers du comité cette année.
Le comité lutte sociale poursuivra ses campagnes pour l’accessibilité au logement, les coopératives d’habitation et le pourcentage d’inclusion en vue des différentes élections à venir. Le comité populaire Saint-Jean-Baptiste s’implique aussi dans la coalition Main rouge, qui regroupe différents organismes luttant contre la tarification et la privatisation des services publics, et dans la campagne Engagez-vous pour le communautaire.
Parallèlement, le Compop continue de réfléchir aux enjeux sociaux liés à Airbnb, en plus de réclamer un espace afin d’aménager un jardin populaire. Le vestiaire du faubourg (une friperie), le compostage, l’Infobourg (le journal du quartier), et une université populaire (des conférences organisées chaque mois à la libraire Saint-Jean Baptiste) complètent la liste de services offerts par l’organisme.
Une structure démocratique et de proximité
Les orientations du comité populaire sont décidées en assemblées générales ouvertes à tous et toutes, qui nomment aussi un conseil d’administration qui veillera à la gestion des affaires courantes du comité. Les employé-e-s doivent ainsi toujours travailler à partir des intérêts des résidents et résidentes du quartier. « Les gens s’y identifient beaucoup, ou du moins, reconnaissent l’importance du comité. »
« La démocratie directe et participative est au cœur de notre mission », soutient Vincent, soulignant au passage que le comité populaire appuie beaucoup d’initiatives qui viennent des résidents et résidantes. « C’est de garder l’esprit populaire du quartier et du comité. Ce ne sont pas des gens de l’externe, fonctionnaires ou banquiers, qui décident de la vie dans ton quartier. »
Selon Baillargeon, c’est la mixité des personnes et des enjeux ainsi que la collaboration avec les autres organismes de la ville qui font la force du Compop et de son ancrage dans le quartier Saint-Jean-Baptiste. « Ce n’est pas un truc sectaire, tout le monde vient avec ses raisons, mais on trouve ensemble une ligne directrice, conclut-il. C’est ce qui fait qu’on est là depuis 40 ans, et pour 40 autres encore. »