Le quatrième livre de Catherine Lalonde, La dévoration des fées, est paru aux éditions le Quartanier mardi dernier. Également journaliste pour le Devoir, elle a remporté le prix Émile-Nelligan pour son troisième recueil de poèmes, Corps étranger. Dans son petit nouveau, la poète y raconte un conte de fées, pourrait-on dire, non destiné aux enfants.
Dans une ambiance d’antan, l’auteure fait le récit du sort de la p’tite, de Grand-maman et de Blanche morte, suite à la naissance de la p’tite. Le bébé naît dans une famille de cinq frères où ils mènent une enfance joyeuse. Toutefois, Grand-maman conserve une certaine haine envers la p’tite. Par sa faute, sa fille n’est plus et c’est…une fille. Il faut se rappeler qu’autrefois, on privilégiait les garçons pour s’occuper des dures besognes. Ainsi, Blanche continue de vivre à travers la p’tite, ce qui pousse Grand-maman à garder ses distances. Lorsque la jeune fille atteint la maturité, elle quitte la campagne pour découvrir la ville. Mais au bout d’un moment, elle se rend compte que sa place est dans la maison de son enfance. C’est en revenant qu’elle et Grand-maman apprennent à s’apprivoiser pour la première fois.
Poésie pure et crue
Dès les premières pages, on est complètement saisi. La poète décrit l’accouchement de Blanche de façon peu séduisante. « Après le vacarme des viandes, après la cueillette sanglante de la motte – foie, tripes, rate, trognons rognons -, la petite motte plus arrachée que poussée. » Bien entendu, ce n’est qu’un bref aperçu de l’atmosphère glauque installée dans le recueil, mais on apprend vite à aimer ce côté creepy. Cela change de la poésie à l’eau de rose.
Fidèle à elle-même, Catherine Lalonde ne mâche pas non plus ses mots. « Elle a hâte que la p’tite arrive, enfin, dans sa vie de femme faite; sa vie de femme faite de sang et d’eau de vaisselle. » Mon Dieu! A-t-elle vraiment osé dire ça? Effectivement. N’oublions pas que l’idée à l’époque était que les femmes soient nées seulement pour procréer et garder la maison. C’est tout au long de son livre que Lalonde dépeint ces réalités crues avec des images à la fois riches et uniques, dans une poésie sans détours et sans compromis.
L’art de manier l’épée
Catherine Lalonde manœuvre à merveille la langue. En lisant les mots fuck, nowhere, foxe, dans des poèmes aussi raffinés, on ne peut réprimer un sourire. Cependant, rien n’est enlevé à la pureté des propos. Cela ajoute une touche moderne lorsque la poésie peut sembler ne plus être d’actualité, et ce peut être une manière d’attendrir un public plus jeune.
Les expressions farfelues réinventées par l’auteure comme une bébée, mi-nuit, genses sont tout simplement mignonnes. On pourrait penser à un autre genre de laisser-aller dans sa poésie, à un petit côté enfantin qui ressort. Une facette pas forcément connue d’elle et qui a son charme à coup sûr. Sans la présence du jargon québécois, une certaine couleur manquerait au livre. Cette nuance va de pair avec le parfum d’antan que la poète laisse planer et son style d’écriture. De même qu’on croirait avoir a affaire, nous, à notre propre grand-maman. Qui ne s’est pas déjà fait dire : « Enwèyez, le souper est prêt! »?