Le campus en mode élections municipales

C’est officiel : le campus de l’Université Laval est maintenant en mode élections municipales, tant du côté institutionnel que dans le milieu des associations étudiantes. Dès cette semaine, plusieurs activités de débats seront organisées afin de mettre en lumière l’importance de voter dans le corps étudiant.

On espère ainsi redonner un élan concret à une participation électorale en chute libre chez les jeunes. Impact Campus a rencontré les principales parties prenantes.

Des tables rondes thématiques ayant pour thème Les élections municipales en questions seront tenues à l’UL les 3, 18 et 25 octobre prochains. Les professeurs Patrick Turmel et Geneviève Cloutier sont à l’origine du projet. « Le but, c’est de profiter des forces vives du campus pour réfléchir autrement sur les enjeux locaux, autrement de ce qu’on entend par le discours politique au quotidien. C’est un peu le message de la nouvelle rectrice », explique l’enseignant en philosophie.

Pour la première table ronde, le chroniqueur au journal Le Soleil, François Bourque, la journaliste du Devoir, Isabelle Porter, et les enseignants Luc Bégin, Andrée Fortin ainsi que François Gélineau seront présents à titre d’experts et auront carte blanche pour leurs allocutions.

« Chose certaine, ce ne sera pas des conférences unidirectionelles, assure Mme Cloutier, du Département d’aménagement et de développement. On veut, avec les étudiants, aller éclairer des zones moins couvertes par l’institution, par les chercheurs, des enjeux qui nous passent sous le radar, qu’on ne voit pas passer de par notre distance avec les milieux jeunesse. »

La campagne Rajeunis la vieille capitale ! agira simultanément en sensibilisation sur le campus dès cette semaine. Parrainée par la CADEUL, celle-ci se mobilisera autant dans les cégeps que dans les universités afin d’informer les étudiants des différentes modalités de vote, tout en agissant sur un volet éducatif pour expliquer les niveaux de compétences politiques au municipal.

« On souhaite notamment organiser un débat sur le campus de l’Université Laval, affirme la porte-parole de la campagne pour les universités, Annie-Jade Samson, qui est également chargée des affaires externes de la CADEUL. On sent que la réception est très positive chez les candidats, et on attend les dernières confirmations.

Même son de cloche dans les cégeps, poursuit le porte-parole du secteur collégial, Charles Doucet. « Il y aura aussi un grand débat aussi au Cégep Garneau, et on invite tous les membres de la communauté à venir y assister », dit-il.

Changer le système pour propulser la participation

Depuis 2009, les taux de participation aux élections municipales sont en chute libre chez les 18-25 ans, un peu partout au Québec. Un problème flagrant, qui peut s’expliquer par une exclusion des réalités les concernant, selon plusieurs.

« La difficulté, je crois, c’est surtout que la population étudiante est régulièrement minimisée et oubliée dans les discours politiques. Elle le sent très bien et elle est ainsi moins interpellée. Notre but, ça va être de mettre en lumière l’importance du vote, et surtout les enjeux qui les affectent. C’est le municipal qui nous concerne davantage, au fond. » -Charles Doucet

Pour Annie-Jade Samson, le cœur du problème est que les problématiques municipales sont méconnues des jeunes, qui s’y retrouvent généralement mieux en matière de politique provinciale ou fédérale, selon elle. « Ils ignorent ce que font concrètement les mairies, les conseillers, lance-t-elle. Pourtant, quand on parle d’aménagement des parcs, de transport en commun ou de développement social, c’est ici qu’on en parle. Le défi, c’est de trouver une approche pour les intéresser. »

Un point de vue qu’approuve Geneviève Cloutier, soulignant toutefois quelques nuances importantes. Il faut remarquer, selon elle, que la participation générale n’est pas en baisse chez les étudiants, mais qu’elle est en transformation. Elle cite notamment les secteurs d’urbanisme tactique, d’animation urbaine, d’agriculture et de technologies, à forte composition étudiante.

« Certes, au niveau électoral, on voit des signes d’essoufflement, mais les jeunes démontrent, plus que jamais, des participations dans tous les domaines de manière ponctuelle. La vraie question, je pense, c’est de déterminer comment on fait le point entre ces implications-là et les institutions. Parce que, pour aller plus loin dans ce désir de justice et d’équité, il faut que ça remonte jusqu’au politique pour que la collectivité en profite. »

Le fait de voter pourrait, plus loin encore, changer la façon qu’ont les étudiants de se percevoir eux-mêmes, selon Patrick Turmel. « Il y a toute une fierté qui peut se créer chez les étudiants en se rendant utiles à la chose publique, en prenant part aux décisions, à la vie de la ville, de manière plus importante. L’Université est un acteur incontournable, et ce sont eux les joueurs. Il faut qu’ils prennent conscience de cette importance. »

Vulgariser et réunir

Une vidéo traitant du fonctionnement général d’une élection municipale circulera sur les réseaux sociaux de l’UL cette semaine. Elle vise à « vulgariser quelques-unes des compétences de nos mairies de manière très interactive », note Annie-Jade Samson. Elle souligne également que la plateforme électorale de la CADEUL, qui sera disponible sous peu, rendra disponible une variété d’informations sur le campus.

De son côté, Patrick Turmel estime que le contexte est bon pour stimuler l’interdisciplinarité, ce concept unissant plusieurs disciplines dont l’Université Laval fait la promotion depuis bon nombre d’années.

« C’est l’idée de réaliser un idéal, celui de plusieurs points de vue dans les débats. On en discute souvent, mais ce n’est pas toujours évident à articuler sur le campus. On veut profiter du contexte pour montrer que, sur certains enjeux, il peut être intéressant d’avoir cet éclairage et ce dialogue vraiment interdisciplinaire. »

À l’ère des faits alternatifs et d’une post-vérité troublante, Geneviève Cloutier insiste plutôt sur le fait qu’il est essentiel, pour les étudiants, de s’appuyer sur des données vérifiables dans les débats publics, et de prévenir les excès populistes pour attirer les jeunes.

« Il n’y a plus de relativisme de nos jours. Pourtant, on a des chercheurs dans toutes les disciplines qui montrent, par exemple, que des dossiers comme le troisième lien ne fonctionnent pas, et on va encore de l’avant avec ça en campagne, dit-elle. On a donc cette préoccupation aussi de déterminer comment amener des idées en politique. Nos tables rondes veulent ouvrir le débat, explorer les possibilités, et cultiver la santé démocratique. »

Ailleurs dans le paysage UL

« Il est absolument certain que l’AELIÉS prendra part aux activités et aux événements dans le cadre de la campagne d’élections municipales et qu’elle en organisera même le cas échéant », ajoute le président de l’Association des étudiants aux cycles supérieurs de l’UL, Pierre Parent-Sirois, soulignant qu’il est encore trop tôt pour confirmer tous les détails de leur implication.

« Concernant les enjeux, de notre côté, il s’agit surtout du transport en commun, de la mobilité durable, axé principalement sur le laissez-passer universel (LPU) », ajoute-t-il. L’objectif de son groupe : informer ses membres et surtout susciter un intérêt aux 2e et 3e cycles envers la campagne, tout en sensibilisant les membres à l’importance du vote, le 5 novembre prochain.

Le saviez-vous ?

L’Université Laval étant un secteur privé de Québec, la réglementation concernant l’affichage et le visuel en contexte de campagne municipale n’est pas le même que dans le reste de la ville.

« Il est normalement interdit d’installer des affiches sur nos terrains, mais l’Université autorise les partis à en installer à certains endroits dans ce contexte-ci, surtout aux extrémités du campus », indique la porte-parole de l’institution, Andrée-Anne Stewart. Celle-ci précise que l’affichage à l’intérieur est toutefois réservé aux activités organisées par la communauté seulement.

Dans un autre ordre d’idées, l’administration de l’Université Laval s’est réjouie d’un tel engouement pour le politique et les réalités municipales sur son campus.

« Nous encourageons tous nos étudiants à participer, conclut Mme Stewart. Ce genre d’activités enrichissent notre milieu et suscitent la réflexion. »

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