Les astres semblent s’aligner pour que la multinationale américaine Uber quitte le Québec après des mois et des mois de combat contre les regroupements de taxis à travers la province. En tant que consommateur moyen, que peut-on réellement en penser ? Il y a du pour et du contre évidemment, et il faut savoir faire la balance.
Rappelons que, dans ce dossier, deux points de rupture sont à l’origine du litige. Le premier concerne les antécédents judiciaires des chauffeurs, qui devront dès lors être vérifiés par des policiers civils du Québec. Le patron d’Uber au Québec, Jean-Nicolas Guillemette, aurait plutôt préfèré faire appel à des firmes privées pour « accélérer le processus ».
Là-dessus, je peux comprendre le point de vue de la nécessité d’aller vérifier pour un gouvernement qui ne veut pas contrôler, mais au moins réguler une activité. Après tout, il faut savoir se plier à certains critères d’une société quand on s’implante dans un marché qui est déjà créé, déjà pensé. C’est le gros bon sens.
Or, l’autre désaccord entre Uber et le gouvernement du Québec touche un volet plus éducatif. L’État mentionne, dans le renouvellement du projet de loi, que tous les chauffeurs de l’entreprise devront suivre des formations d’au moins 35 heures pour continuer de pratiquer leurs activités.
Sur ce point-là, j’avoue ne pas être certain de la pertinence d’une telle mesure, même si je demeure mitigé. Tous les employés d’Uber sont déjà minimalement formés par la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ), certes, mais ils ont à suivre des ateliers de sensibilisation à de différents enjeux, dans une industrie qui ne cesse de grandir et de changer.
Je dois admettre par contre que, sur la fréquence, l’objectif, le temps et la manière de donner ces formations, le dialogue doit être repris. Au fond, Uber offre un service « avantageux » d’un point de vue strictement usager. S’il peut être ramené à un pied d’égalité, et que rentabilité est encore possible, parlons-nous, et cessons de se borner à nos objectifs personnels.
Il en va de ce texte un enjeu bien plus complexe, je vous le concède, mais la fermeture d’un côté comme de l’autre n’aidera en rien.
Ici et ailleurs
C’est le genre d’enjeux sociaux importants qu’une vraie démocratie parlementaire devrait ouvrir aux citoyens et à toutes les instances de représentation, non ?
Or, le mutisme ambiant et la réponse facile de nos politiciens ne laisse rien espérer en ce sens. Uber quittera sans que ses usagers aient eu un impact sur la décision. Ce qui, en soi, n’est pas insensé, mais dommage pour un Québec qui se veut ouvert à la pluralité des voix. C’est aussi le genre d’enjeux qui aurait intérêt à ouvrir plus de possibilités, dans un contexte où on souhaite améliorer et changer les manières de se déplacer.
En Ontario, par exemple, dans des grandes villes comme Ottawa, la relation entre la multinationale et le gouvernement est acceptée et bien vue par l’opinion publique. Des conditions jugées « équitables » par le maire Jim Watson y ont été établies : Uber paie ses frais et ses chauffeurs sont soumis à une vérification concrète des antécédents. L’entreprise doit aussi contribuer à un fonds spécial pour le transport adapté.
La division québécoise, elle, espère que l’équipe de Philippe Couillard « fera preuve du même leadership et ne cédera pas à l’intimidation du lobby du taxi » d’ici les prochains jours. Qui sait ce qui pourrait effectivement arriver d’ici là. Quoiqu’il en soit, le modèle mérite d’être scruté à la loupe, car force est d’admettre que l’Ontario crée un marché compétitif et égalitaire ces temps-ci en transports rémunérés.
Le coeur du litige
Je comprends le problème fondamental qu’est celui qui fonde la controverse entourant Netflix et la ministre Joly actuellement : le paiement de taxes, comme tous les autres. Grosse ou petite, toute entreprise doit tout de même participer à l’essor de sa société. Ça ne devrait pas changer pour une grande entreprise qui, au fond, génère beaucoup plus de revenus et de marge.
« Ce sont les bandits qui font la morale aux honnêtes travailleurs », disait le porte-parole du Comité provincial de concertation et de développement de l’industrie du taxi (CPCDIT), Guy Chevrette.
L’argument n’est pas faux. C’est tout de même vrai que cela fait maintenant un an et demi que nos chauffeurs à licences font des représentations démocratiques, des commissions parlementaires et des manifestations. Pendant ce temps, Uber continue à fonctionner à sa façon, sans entraves concrètes à ses activités commerciales.
Oui, c’est scandaleux, oui ça devrait changer dès maintenant, mais la situation nécessite aujourd’hui du sang froid. Cela ne devrait pas nous empêcher de bien négocier vers une relation mieux pensée.