Des périodes de grands froids qui côtoient des journées de pluies, l’hiver actuel est plutôt remarquable. Vendredi passé, le redoux a même fait sortir certaines rivières de leurs lits, causant des inondations dans la région de Québec. C’est assez inhabituel pour le mois de janvier. La communauté scientifique avertit que les changements climatiques pourraient faire augmenter la fréquence de ce genre de phénomènes météorologiques extrêmes. Le professeur du Département de géographie de l’Université Louis-et-Maximilien de Munich, Ralf Ludwig, se penche sur cette question. Le 11 janvier dernier, il a eu l’occasion de présenter sur le campus ses travaux encore en cour.
«Nous voulons confirmer que les changements climatiques peuvent contribuer à une plus haute fréquence et sévérité des évènements extrêmes», explique le professeur invité par le Centre de recherche en aménagement et développement (CRAD) de l’Université Laval avec lequel il collabore.
M. Ludwig travaille en fait avec beaucoup de Québécois, codirigeant même une doctorante de l’Université Laval. Il est à la tête du projet ClimEx qui est aussi affilié à Ourano, un organisme canadien de recherche sur les changements climatiques.
Sa conférence se centrait tout de même majoritairement sur le réseau hydrographique de sa région, la Bavière. Alors pourquoi des Bavarois collaborent-ils avec des Québécois? À part des similitudes avec certains désirs d’autonomie qui unissent leur population, il se trouve que les deux territoires sont assez fréquemment touchés par des inondations. Plus fréquemment que la période de retour d’un à tous les 100 ans qui avait initialement été prévu par les ingénieurs, selon M. Ludwig.
«Les ingénieurs civils utilisent ces périodes de retour pour prédire le risque d’inondations, mais selon la plage de temps utilisée pour leur calcul, le risque est différent», explique le professeur, prétextant que ceux-ci devraient changer d’approche.
Des ordinateurs clairvoyants
Dans le projet ClimEx, les chercheurs utilisent des superordinateurs pour faire leurs prédictions de risque. Avec les données climatologiques et les données hydrographiques, ces ordinateurs calculent ensuite une série de scénarios possibles, tel que l’explique M. Ludwig.
La majorité des scénarios ne résulte pas en un quelconque évènement extrême, mais certains laissent entrevoir cette possibilité. «En faisant rouler certains modèles, nous pouvons obtenir des évènements extrêmes que nous n’ayons encore jamais connu, ce qui veut dire qu’ils sont physiquement possibles», avertit-il.
Il est nécessaire d’analyser autant de scénarios afin de pendre en compte la variabilité naturelle du climat «La variabilité climatique est tellement importante qu’après la modélisation d’une période de 14 jours, il serait impossible de retrouver le point de départ de celle-ci sans le connaître au préalable», relate le professeur, expliquant ce que les chercheurs de ClimEx ont prévu en intégrant plusieurs différents modèles pour faire leurs observations.
La science du possible
Les prédictions qu’ils ont faites par rapport aux effets des changements climatiques pour le centre de l’Europe concordent avec celles du projet CORDEX du Programme mondial de recherches sur le climat (PMRC). «La similitude de nos données nous donne de la confiance», se réjouit M. Ludwig.
Son équipe et lui trouvent ainsi que bien que les étés européens seront plus chauds et secs, le maximum de pluie qui peut tomber en une journée et la fréquence d’un tel évènement tendront à augmenter. Ainsi, selon les données, en Europe centrale, la possibilité d’un maximum de 61mm de pluie par jour une fois tous les 100 ans peut devenir 77mm tous les 34 ans.
En transposant cette modélisation dans la région montréalaise, le professeur montre des observations plus dramatiques. Un maximum de 85mm de pluie tous les 100 ans devient un maximum de 98mm tous les 29 ans. «Ce sont variations beaucoup plus substantielles», confirme-t-il.
Le projet n’est pas encore complet, il reste encore une année et demie de travaux selon M. Ludwig. Il voit déjà plusieurs autres possibilités d’application pour ses modèles que ça soit en santé publique ou pour la gestion de l’eau potable.