Photo : Alice Beaubien

Itinérance en hiver : Comme toutes autres saisons

La période des fêtes de fin d’année a été secouée par une vague de grand froid sans précédent. Cependant, les conséquences de ce rude début d’hiver n’ont pas bouleversé l’organisation des refuges pour les personnes en situation d’itinérance à Québec.

En effet, s’il est impossible de dormir dehors par ce temps, cette période de grand froid n’a pas eu de réel impact dans les politiques d’accueil des refuges de Québec, comme témoigne Eric Boulay, directeur général de la Maison Lauberivière.

« Au mois d’octobre on accueillait déjà beaucoup de monde et il n’y a pas de réelles différences entre les températures variant de -10° à -30°, explique t-il. Mais depuis 2 ans maintenant, on manque de place pour accueillir les gens et c’est un problème commun à l’ensemble des refuges de Québec », constate t-il.

Depuis 2016, les refuges de la ville sont effectivement débordés. Un phénomène que confirme Magali Parent, organisatrice communautaire du Regroupement pour l’Aide aux itinérants et aux  itinérantes de Québec (RAIIQ). « Des places supplémentaires ont été en effet mises en place mais pas depuis la période de grand froid, affirme t-elle. Les réelles raisons de ces débordements ne sont pas celles que l’on croit ».

La lenteur des organismes de santé serait selon elle, un des problèmes du phénomène. Suite à la réforme de 2014, les services liés à la santé et aux services sociaux ont été regroupés dans un seul et même organisme avec beaucoup moins de personnel. Ces coupures budgétaires jouent ainsi un rôle dans la lenteur des avancées en matière d’aide sociale auprès des refuges.

Pour palier à ce manque de places, un projet a été mis en place avec la Maison Lauberivière, Le Réchaud ouvert depuis le 1er décembre et ce, jusqu’au 31 mars prochain. « Ce centre de nuit crée en 2016, permet ainsi aux personnes moins à l’aise dans les refuges, de trouver un peu de chaleur humaine », nous explique Eric Boulay.

L’itinérance et ses clichés

Le problème de l’itinérance est aussi nourri par de nombreuses idées reçues. En effet, forts de leur expérience dans le milieu social, les deux intervenants dénoncent une image de l’itinérance souvent propice aux clichés, comme la dépendance et les maladies mentales.

Selon Eric Boulay, la majorité des histoires sont des parcours de rupture avec la société. Les facteurs de risques de ce modèle occidental amènent à des parcours de rue, comme la perte d’un emploi, ou encore le manque de moyens pour payer le loyer.

« Si les gens viennent dans les refuges, cela n’a rien à voir avec le froid, raconte Eric Boulay. Quand des personnes en situation de détresse arrivent au refuge, elles n’ont plus d’estime de soi et viennent ici pour manger et dormir, mais aussi pour créer du lien social », explique t-il.

S’il considère la ville de Québec comme un grand village, il observe le fait que les habitants de la ville ne tolèrent pas de voir du monde dormir dans la rue. « Ils appellent généralement la police et c’est une bonne chose. Mais c’est aussi un effet pervers car on cache ce qui se passe en reléguant les personnes dans la rue aux refuges », constate t-il, soulignant ainsi un risque d’indifférence et de normalisation vis-à-vis de la pauvreté à Québec.

Pas de répit pour l’exclusion sociale

« Si on ne connaît pas cette situation, si on ne l’expérimente pas, on ne peut pas savoir ni comprendre toute la complexité du problème, d’après Magali Parent. On y pense surtout pendant l’hiver avec les basses températures mais l’itinérance et l’exclusion sociale durent toute l’année, il n’y a pas de saison spécifique », termine t-elle.

Durant la période des fêtes hivernales, des repas de Noël ont été organisés ainsi que des distributions de paniers de noël dans les banques alimentaires. Mais il n’est pas sans rappeler que l’été reste aussi une saison difficile à vivre pour les personnes en situation d’itinérance. La détresse sociale ne connaissant pas de saison particulière pour se manifester.

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