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Blockchain : À l’aube d’une révolution

Le Bitcoin a déjà passablement dérangé le monde financier, mais il ne pourrait représenter que la pointe de l’iceberg. La technologie qui le propulse, appelée la blockchain ou chaine de blocs a un potentiel immense selon ses fidèles. L’enthousiasme doit être accompagné de prudence, selon ce qu’explique Charlaine Bouchard, professeure de la Faculté de droit de l’Université Laval. « Il n’y a pas de blockchain sans droit », clame-t-elle.

La petite salle Gérard-Martin de la bibliothèque Gabrielle-Roy était pleine à craquer, le 15 février dernier. Plusieurs étaient même alignés debout sur le bord des murs pour écouter la conférence de la professeure de droit, Charlaine Bouchard. C’est sans doute signe que les blockchains sont un sujet en vogue.

La principale intéressée retient elle aussi mal son engouement. « C’est extrêmement stimulant en tant que juriste d’être au cœur de l’innovation », lance-t-elle d’entrée de jeu lors de sa conférence présentée par l’Institut Technologies de l’information et Société (ITIS).

« On part de la dématérialisation des transactions vers la décentralisation des transactions », souligne Mme Bouchard. La blockchain semble effectivement avoir un important potentiel, rendant la nécessité d’intermédiaires de transactions obsolète.

Elle pourrait ainsi permettre de payer directement les droits d’auteur aux artistes ou de payer pour de l’électricité sans avoir à faire affaire avec une compagnie. Il s’agit encore d’une technologie au stade embryonnaire. Il est difficile de prévoir tous les effets qu’elle pourrait avoir sur la société. « Tout ce que je vais dire doit être pris avec prudence », avertit la professeure.

Perspectives futures

Le monde financier est déjà en alerte à la suite de l’arrivée des cryptomonnaies. «Les banques ont encore le monopole, mais elles doivent se préparer, car elles pourraient le perdre», prédit Mme Bouchard.

Et, ce ne sont pas que les finances qui risquent d’être touchées. Les blockchains peuvent aussi servir à stocker de l’information cryptée. Comme l’indique la professeure, ceci pourrait s’avérer bien utile pour la conservation de documents officiels, de dossiers médicaux ou de toutes autres données au choix.

« Les blockchains vont aussi révolutionner les manières de faire en droit », poursuit-elle. Par exemple, elles ont permis le développement d’une technologie appelée les smartcontracts. « Ce sont des programmes qui exécutent automatiquement les termes et conditions d’un contrat », explique Mme Bouchard.

Elle donne l’exemple d’un contrat avec une agence de voyages en cas de retard. « Si mon vol a du retard, j’aurais automatiquement une compensation de 500$ sans avoir à me battre et sans formulaire », illustre la professeure. Les smartcontracts réduisent grandement le risque d’erreur humaine, de litige et de contentieux.

Certains y voient même la fin des notaires, mais Mme Bouchard n’en est pas aussi certaine. Selon elle, c’est mal comprendre l’acte notarié que de le mettre au même niveau. « Le notaire confère l’authenticité et peut vérifier le consentement et la capacité d’un individu », précise-t-elle.

Risques et désavantages

Les données cryptées signifient que la perte d’une clef entraine une perte presque irrémédiable de ces données maintenant inaccessibles. Ces données pourraient être par exemple des économies sous forme de cryptomonnaies.

« Les blockchains ont aussi une grande consommation d’électricité », ajoute la professeure. Les calculs et la vérification des blocs sont des processus qui nécessitent de grandes quantités d’énergie.

Comme les transactions se passent dans un univers décentralisé, il est difficile de les surveiller. Ainsi la taxation est un enjeu, déjà que les gouvernements ont de la difficulté à taxer les produits numériques comme Netflix, tel que l’indique Mme Bouchard.

Origine

La blockchain a été utilisée pour la première fois par Satoshi Nakamoto en 2009, alors qu’il développe le Bitcoin. Le contexte de récession économique avait grandement miné la confiance de la population à l’égard des compagnies financières et des banques, comme l’indique Mme Bouchard. C’est ce contexte qui a mené le créateur de cette cryptomonnaie à élaborer les deux piliers principaux de la blockchain.

Le premier pilier est l’importance de la décentralisation. « Deux mois après la faillite de Lehman Brothers, le Bitcoin se veut comme étant une alternative aux banques », relate Mme Bouchard. Ce principe est encore tout aussi fondamental à l’esprit de cette technologie.

Le deuxième pilier est l’importance de la cryptographie. Ceci confère un niveau de sécurité à la transaction et donne un certain anonymat aux utilisateurs. Malgré cela, la blockchain contient l’historique de toutes les transactions, la rendant ainsi traçable et transparente.

Blockchain en bref

Comme son nom l’indique, il s’agit d’une chaine de blocs. Une transaction peut-être formée de plusieurs suites de blocs. Chacun de ceux-ci doit être approuvé par des membres du réseau, aussi appelés mineurs ou noeuds.

Chaque bloc contient certaines informations qui varient selon la nature de la chaine. Par exemple, s’il s’agit d’une transaction, ce seront les informations par rapport aux personnes impliquées et par rapport au montant transigé.

Chacun des bloc possède aussi un code, appelé hash ou empreinte numérique, qui lui est propre ainsi que l’empreinte du bloc précédent. Ceci permet de remonter la chaine et donne l’historique de la transaction.

Les mineurs sont ainsi en compétition entre eux pour vérifier ces informations du bloc. Ceci leur permettra de l’ajouter à la chaine. Il faut une majorité de 50% +1 pour qu’un bloc soit validé. Les membres du réseau les plus rapides reçoivent une récompense sous forme de tokens.

Ces caractéristiques permettent à la blockchain d’être « une machine à créer de la confiance » comme le décrit Mme Bouchard. Il devient aussi virtuellement impossible de réécrire ou de trafiquer une transaction après que celle-ci soit effectuée.

La nature numérique de la technologie fait en sorte qu’elle n’est pas complètement impénétrable face au piratage, tient à souligner la professeure. Selon elle, le droit est nécessaire pour renforcer la confiance.

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