Après avoir proposé l’étonnant EP Mon VR de rêve au début de l’année dernière, la formation de Québec Victime se lance enfin avec un premier album, La femme taupe. Dans les bacs et en ligne depuis le 23 février dernier, ce nouveau cycle de création aura vu le trio formé de Laurence Gauthier-Brown (basse et voix), Simon Provencher (guitare) et Samuel Gougoux (batterie) être rejoint par Guillaume Chiasson à la réalisation, afin d’offrir un produit à la fois plus mélodieux et plus exploratoire. Rencontre.
Q: Quelles sont les origines du projet Victime, l’idée de base lorsque vous avez débuté en 2016 ?
Laurence Gauthier-Brown : On s’est fait crisser là, moi et Simon. C’est la base. Non, en fait la base c’est principalement le fait qu’on voulait faire du bruit, on a essayé, et ça a donné Victime. À trois. C’est du bruit du mieux qu’on peut.
Simon Provencher : Mais dès le départ, on s’est juste un peu dit « Heille, on se fait tu un projet de noise rock un peu extrême ? ». Ça a muté vers autre chose, mais à la base c’était vraiment ça. C’était un side-project, mais c’est devenu rapidement notre projet principal.
L.G.-B. : Moi, quand on a commencé Victime, j’étais plus Pure Carrière [formation dont le premier EP est paru en février 2017].
S.P. : Nous [avec Samuel Gougoux], on était plus dans La Fête. Victime était notre projet de bûchage pour le fun, tant qu’à avoir un local à côté [au Pantoum]. Finalement, on a tous plus aimé ça que prévu, on a tous vraiment trippé à faire ça.
L.G.-B. : J’ai l’impression aussi qu’on a orienté ce qu’on écoutait vers quelque chose qu’on voulait faire. Puis on a découvert tout ce qui est plus weirdo punk.
S.P. : On a approfondi ça, oui. Depuis que je suis dans Victime, j’écoute encore plus de trucs dans le même genre que notre groupe, évidemment. Des fois c’est pour aller chercher des influences, des fois c’est juste de la pure découverte et c’est malade.
Q: Le grand classique : quelles sont les principales influences musicales sur le son de Victime, plus précisément pour la composition de La femme taupe?
S.P. : Je pense qu’on s’est un peu éloignés du son plus rock, du son plus nineties de Mon VR de rêve [EP paru sur étiquette Michel Records en mars 2017]. C’est moins Sonic Youth, moins slacker par bout. On est plus allé chercher des influences au niveau des années 80. C’est dans les deux extrêmes : c’est à la fois plus moderne, mais aussi marqué par le son des eighties, des tones de gros chorus, des trucs un peu Swell Maps [formation britannique active de 1972 à 1980], des choses un peu plus noise aussi, comme Pylon.
En parallèle, on a voulu se faire une production un peu plus clean, un peu plus punchy, dans les eaux de ce qu’il se fait un peu plus aujourd’hui.
Samuel Gougoux: La production de l’album en soit est plus clean, mais en live on se permet d’être crissement plus noise qu’on l’était.
S.P. : On n’a pas perdu le noise, le noise est à son maximum dans les spectacles, mais tu écouteras l’album, il y a un espèce de raffinement. Il est plus clean, tout est à sa place, c’est presque doux. On veut traîner les gens au spectacle et leur faire peur, surtout qu’on va jouer avec Ponctuation, qui ont fait un album vraiment soft. Nous, on est à notre plus loud, j’ai deux amplis et bien du fuzz et on va dire de mettre le drum bien fort dans le mix.
Q: Quelle contribution a eu Guillaume Chiasson dans le processus de création de l’album ?
L.G.-B. : Je pense qu’il a mis en valeur les mélodies.
S.P. et S.G. : Oui, c’est bon ça.
L.G.-B. : Concernant ma voix, il a dit que ce serait mieux si c’était plus chanté. L’album est vraiment plus bizarre dans sa structure, les formes ne reviennent pas nécessairement, ça peut être difficile de s’accrocher à une chanson parce qu’on se demande ça s’en va où, mais Guillaume a su reconnaître les parties plus mélodieuses, celles qui seraient mises de l’avant. Sur certaines chansons, il m’a dit de plus sortir ma voix, de moins crier.
S.P.: Nous, on est toujours arrivés avec nos compositions toutes faites, il n’a rien changé dans nos compositions, mais il a toujours réussi à aller chercher la meilleure take. Celles qu’on a gardées, ce sont les meilleures versions, avec la meilleure énergie. Il a réussi à faire ça en nous motivant, en faisant en sorte que ce soit agréable, et ça paraît dans le résultat.
Q: À quoi ressemble votre processus de création?
S.G. : Ça change toujours d’une pièce à l’autre. Des fois c’est Simon qui…
S.P. : La constante, c’est que les paroles viennent toujours à la fin.
S.G. : Soit ça part d’une guitare, ou bien du drum et de la basse, des fois.
S.P. : On a une couple de tounes où c’est eux qui ont amené les tracks, mais le plus souvent, on est juste dans le local entre deux tounes à ne pas être capable d’arrêter de jouer, à faire n’importe quoi.
L.G.-B. : Au moment où un des trois va aux toilettes ou se servir un verre d’eau, les deux autres jouent…
S.P. : … et quand la personne revient des toilettes, elle embarque et ça donne une toune. C’est niaiseusement ça : j’essaie un nouvel effet ou une nouvelle pédale et ça déboule à partir de là. C’est la base, après on la raffine, le processus devient plus intellectuel, on travaille les structures, mais au début c’est vraiment toujours du gossage.
L.G.-B. : Au final, on compose plus souvent qu’on pratique.
S.P. : On compose beaucoup et on compose vite. On a déjà beaucoup de tounes composées pour l’autre d’après. C’est une histoire à suivre.
L.G.-B. : Ce serait un tour tape.
S.P. : On veut l’autoproduire pour que ça coûte le moins cher possible, dans le but de se financer. On ne veut pas entrer dans le processus de demande de subventions parce qu’on n’a pas le temps, mais on veut que ça sorte au début de l’été.
Q : Jouez-vous encore des pièces du EP Mon VR de rêve en spectacle ?
S.P. : Pas là, pas pour les lancements. On a joué certaines à CISM, il y en a deux qui sont encore dans notre répertoire, donc ça se peut qu’on se décide à les jouer, mais pas aux lancements. Sinon, nos setlists changent à chaque spectacle, alors on va peut-être les faire. On a les deux de prêtes, mais les trois autres, il faudrait les remonter.
S.G. : Esthétiquement, elles sont ailleurs de toute manière.
S.P. : On a trop de nouveau matériel, aussi. Deux tounes qui seront jouées au lancement, le nouvel album au complet, sauf une.
L.G.-B. : Victime, c’est pas un groupe qui peut jouer pendant une heure de temps, une heure et demi.
S.P. : C’est pas un band qui va monter sur scène pour faire ses greatest hits, on va faire de la musique qui représente où on est rendu comme band, ça fait parti du trip. Et on n’a pas de hit.
S.G. : On est tellement des gens qui aiment évoluer et faire des nouvelles choses qu’on préfère s’écouter à ce niveau-là.
Q : En ce qui concerne les paroles de vos chansons, vous explorez plusieurs thématiques, c’est assez hétéroclite.
L.G-B. : Ça parle beaucoup de stress. Nous, on a fait l’album rapidement, donc ça parle un peu du fait que je dois écrire des paroles pour finir les tounes.
S.G. : La musique est nerveuse et on est du monde nerveux. On ne peut pas s’en cacher.
L.G.-B. : Il y a des textes là-dessus, deux-trois tounes qui n’avaient pas de paroles une semaine avant d’enregistrer. J’ai sorti deux textes que j’ai écrit il y a deux ans et ça a fonctionné avec le concept. De toute manière, je n’écris pas des paroles pour que les gens les lisent, j’écris des paroles pour chanter quelque chose.
Q : Deux questions pour terminer. À quoi peut-on s’attendre des prochains mois pour vous ? Avez-vous une tournée de prévue, une présence dans certains festivals ?
S.P. On aimerait faire des festivals cet été, mais c’est entre leurs mains à eux. On a appliqué pour plein de festivals et on va essayer de faire le plus de shows possible cet été. On veut jouer à peu près aux trois jours. (rires)
Non, mais on veut faire une couple de gigs, on voudrait peut-être aller montrer ça à l’extérieur du Québec, au Canada anglais. On va essayer de se tailler une place dans l’industrie du spectacle.
S.G. : En même temps, il ne faut pas oublier qu’on fait un style qui ne se programme pas partout.
Le lancement de La femme taupe aura lieu ce vendredi le 2 mars au Pantoum, en compagnie de la formation Ponctuation qui y lancera son troisième album, Mon herbier du monde entier.