Église Saint-Dominique - Photo : Alice Beaubien

Que reste-t-il de la religion au Québec?

Il est quasi impossible de soulever des questions de religions sans controverse. C’est pourtant un peu paradoxal selon Gilles Routhier et Jean-Philippe Perreault de la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval. « Si on se fie au sondage, la majorité des Québécois considère la religion comme étant assez peu importante dans leur vie, mais en même temps, la question religieuse ne cesse de faire la une des journaux », affirme M. Perreault, illustrant son propos.

Les deux professeurs étaient invités par La Fondation de l’Université Laval à confronter l’épineux enjeu religieux. Le sujet semble effectivement populaire, puisque la salle était pleine le 21 février dernier lors de leur conférence appelée, Que devient la religion au Québec?

La question se pose ainsi d’entrée de jeu. « Au Québec la religion, c’est une intrigue », avance Jean-Philippe Perreault. Selon les premières théories de la sécularisation, les sociétés ne devraient plus être définies par les traditions religieuses. Le sociologue et théologien, Peter Berger, affirmait lui-même auparavant que ce n’était qu’une question de temps avant de voir la religion disparaître.

Plus tard, conscient de son erreur, Berger s’est toutefois repris, affirmant que le monde d’aujourd’hui est aussi furieusement religieux qu’auparavant, tel que le rapporte M. Perreault. La religion a encore tendance à se montrer le bout du nez autour des moments importants de la vie; que ça soit les naissances, les unions ou la mort, donne en exemple le professeur.

L’illusion d’un déclin

Des 276 paroisses catholiques jadis présentes dans la région de Québec, il n’en reste que 37 en 2020. « La fermeture d’églises et de couvents pourrait faire croire que le catholicisme meurt parce que ce sont des images fortes, mais c’est seulement une partie de la religion qui disparaît », affirme M. Routhier. Il croit qu’il faut arrêter de penser au déclin du christianisme. Selon celui qui est aussi doyen de la Faculté, ce serait plutôt une genre de mutation.

« Il y a certainement des ordres religieux qui vont disparaître », admet M. Routhier. Ce sont toutefois pour lui qu’une seule facette du fait religieux. Il concède que le rôle social de l’Église sera appelé à changer.

Sa composition aussi est en plein changement. « Si vous voulez rencontrer de la diversité ethnique, aller dans une église ! », rigole le professeur.

Le fait est que le catholicisme demeure la religion de 75% des Québécois, relate M. Perreault. Il y a toutefois, tel qu’il le signale, une forte montée des sans religion au Québec. Ils seraient passés de 5% en 2001 à 18% de nos jours. « ‘Sans religion’ ne veut pas pour autant dire qu’ils n’ont pas de croyances », avertit le professeur.

Il dit justement s’intéresser à cette question et et à ce mouvement. « L’être humain est un être de sens et il veut trouver justement des réponses », ajoute le titulaire de la Chaire de leadership en enseignement Jeunes et religions.

Pluralisme éternel

Les changements d’ordres religieux ne peuvent être abordés sans parler de diversité dans la religion au Québec. En plus du christianisme, il y a le bouddhisme, le sikhisme, le judaïsme, l’islam et même la résurgence des croyances traditionnelles autochtones, énumère M. Perreault.

La migration a certainement apporté des groupes de différentes allégeances religieuses, mais aussi d’autres chrétiens; que ce soient les Maronites du Liban ou les Orthodoxes de Grèce. « La maison chrétienne est beaucoup plus plurielle et fragmentée qu’on le croit », rappelle M. Routhier.

Malgré le fait que les catholiques soient demeurés plus visibles dans la trame urbaine, les protestants notamment ont déjà été presque aussi nombreux à Québec. Chacun des mouvements religieux avait toutefois ses propres écoles, ses propres hôpitaux et ses églises, bien entendu. « Auparavant la population québécoise vivait dans un système d’apartheid religieux, nous ne fréquentions tout simplement pas les non-catholiques », relate le doyen.

C’était une forme de ségrégation religieuse non dite. « En principe, tout était divisé à partir de la frontière confessionnelle », souligne M. Routhier. Le pluralisme religieux n’est donc pas un phénomène nouveau, mais il est vécu différemment. « On établissait un cordon sanitaire autour des fidèles, selon l’idée qu’il ne devait pas y avoir de contacts qui pourraient les contaminer », remarque le professeur.

Le contexte actuel, plus ouvert, ne signifie pas pour autant que la peur de l’autre a disparu. La preuve se trouve facilement dans les médias sociaux et les pages de journaux. « On doit lutter contre l’ignorance, qui est source de peur et de malentendus », déclare M. Routhier, prêchant pour sa paroisse. Selon lui, si l’on ne cultive pas les sciences religieuses, on arrête de comprendre les autres.

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