Après Bigger than Jesus en 2007 et une participation dans Lipsynch, la pièce-fleuve de Robert Lepage, l’année dernière, Rick Miller revient à Québec avec Rick Miller : vendu.
Cyril Schreiber
Il s’agit plus précisément d’une adaptation française, jouée pour la première fois dans le cadre du Carrefour international de théâtre, de son spectacle HardSell. Après la religion, le Montréalais d’origine vivant maintenant à Toronto s’attaque au marketing des grandes corporations, qui se sont immiscées dans nos vies et nos habitudes de consommation.
Dans la première partie, Rick Miller l’acteur nous expose sa théorie sur le problème, en se basant sur le fameux cas Clotaire Rapaille, que la ville de Québec connaît trop bien. Arnie, son alter-ego cynique, sadique et extravagant, vient aussi s’immiscer dans le débat. C’est d’ailleurs lui qui sera la tête d’affiche de la deuxième partie, enfin théâtrale, où il dénonce l’hypocrisie de Rick Miller l’acteur, avant que celui-ci n’ait le mot de la fin.
Rick Miller : vendu fait appel à l’intelligence du spectateur, à une prise de conscience : qui, dans la salle, oserait prétendre ne pas s’inclure dans la spirale folle du capitalisme, de la publicité, du mensonge, de la consommation ? Rick Miller met le doigt sur quelque chose de fondamental, mais sans porter de jugement : la preuve, il se dévoile et se moque de lui-même, soulignant ses propres petits travers, ce qui ne le place pas au-dessus de la mêlée. D’ailleurs, l’acteur n’a pas hésité à se promener à travers la foule avant le spectacle, pour abolir la distance acteur/spectateur.
C’est sur la forme qu’on pourrait contester ce spectacle. Est-ce dû à une traduction française parfois mal ajustée ? Toujours est-il que la réponse du public, pourtant si importante dans cette production, n’est venue que tardivement, ce qui a contribué à un certain malaise par moments.
Il faut dire que Rick Miller : vendu n’a, à proprement parler, rien de spectaculaire ou de captivant, notamment à cause de cette première partie didactique et réflexive – quand Arnie « rentre » en scène, l’action se fait un peu plus présente. Quelques bons gags parsèment ici et là ce texte qui contient peut-être trop d’informations, ce qui n’aide pas.
Du coup, le spectateur n’a pas l’impression, ou si peu, d’avoir assisté à une pièce de théâtre, mais plutôt à un one-man show réalisé par cet acteur-caméléon exceptionnel qu’est Rick Miller. Peut-être que le contexte du festival et de la salle se prêtent plus ou moins bien à ce spectacle à la forme très particulière, un peu froide, mais au propos ô combien intéressant.
Il persiste tout de même un goût amer dans la bouche : est-ce celui d’avoir assisté à quelque chose un brin au-deçà des attentes, ou celui d’une conscience soudainement éclairée par les lumières de Rick Miller ?
Quoi ? Rick Miller : vendu (Carrefour international de théâtre)
Qui ? Texte, traduction, conception, mise en scène et interprétation : Rick Miller
Où ? Théâtre de la Bordée
Quand ? Jeudi 7, vendredi 8 et samedi 9 juin