Avec 1991, Ricardo Trogi met un point d’orgue à sa trilogie de comédies retraçant les grands moments d’apprentissage et de maladresse de son alter ego à l’écran, incarné une fois de plus avec brio par Jean-Carl Boucher. Le personnage de Ricardo, maintenant un jeune vingtenaire sur les bancs d’école pour devenir le cinéaste et scénariste que l’on connait, décide cette fois de suivre une amie en Italie – l‘«amour de sa vie», rien de moins – dans un programme d’été afin d’y apprendre la langue locale. Tous les pépins possibles et imaginables adviennent, bien sûr, en faisant un film amusant, le plus réussi de la série probablement, mais qui ne réinvente pas la roue.
Ricardo Trogi, que l’on redécouvre en universitaire entouré de la crème des réalisateurs de demain, désespère, dans toute sa timidité, de voir évoluer sa relation avec Marie-Ève Bernard (Juliette Gosselin) d’une amitié à quelque chose de plus impliquant. Lorsque celle-ci s’inscrit à un voyage culturel dans le but d’aller apprendre l’Italien le temps d’un été, le jeune homme ne peut s’en empêcher : sans économie particulière et, surtout, sans le moindre iota d’enthousiasme de la part de ses parents (Claudio Colangelo, en Benito Trogi de plus en plus amant de la bouteille, fier de ses origines et du traditionnel risotto aux champignons familial doté de vertus quasi aphrodisiaques, et Sandrine Bisson, que l’on retrouve avec bonheur dans toute son exaspération), il devra plier bagage et la suivre.
À partir de ce moment, plus rien ne se déroule comme prévu pour Ricardo : la perte de son argent et de son passeport dès son arrivée, la difficulté à se retrouver dans un pays étranger – mais surtout à retrouver Marie-Ève (on est à l’ère préhistorique des cartes en papier et des cabines téléphoniques) -, une colocation mélangeant discussions moralistes et incessantes amourettes, la rencontre fortuite d’une étudiante grecque qui s’attache rapidement à lui. Bref, tout sauf apprendre l’italien et déclarer sa flamme. Par chance, en plus de son colocataire Mamadou (Mamoudou Camara, hilarant d’aisance auprès du toujours guindé Ricardo), il retrouvera sporadiquement Arturo (Alexandre Nachi), musicien-bohème en mission bellement idéaliste pour changer le monde. Reviendra-t-il seul ou avec d’autres ?
Une formule répétée, mais efficace
Même si l’atmosphère de 1991, ainsi que son humour et ses ressorts scénaristiques et narratifs, ressemblent beaucoup à ceux de ses prédécesseurs 1981 et 1987, ce chapitre de la vie romancée du cinéaste est le plus réussi. La formule du film et les traits d’esprit des personnages principaux (la famille Trogi) ne surprennent peut-être plus comme avant, mais le jeu de Jean-Carl Boucher ayant gagné en assurance au fil des années, son Ricardo devenu adulte répond parfaitement au Ricardo narrateur interprété par Trogi lui-même. L’attendrissement de ce dernier par rapport à sa jeunesse saupoudré généreusement de jurons et d’un sain détachement vis-à-vis le kitsch de l’époque fait toujours rire et sourire, le tout étant optimisé par un Boucher parlant le même langage à l’écran. Cette manière qu’a le narrateur de diriger le déroulement du film par des scènes fantasmées, agrémentées par la beauté du panorama italien, mais bientôt remplacées par la décevante réalité, marque également toujours des points.
Les sujets d’intérêt du réalisateur de Québec-Montréal et Horloge biologique demeurent la nostalgie, mais surtout l’amour et les relations hommes-femmes. Dans un grand voyage immersif, il faut donc parfois s’efforcer de voir se dérouler l’action avec les yeux d’un homme de 21 ans au début des années 1990, pour ne pas sourciller en voyant la place faite aux personnages féminins et les gags leur étant réservés. Idem pour les étudiants internationaux dont on ne sait si les stéréotypes sont mis de l’avant ironiquement, pour en souligner tout le creux. La gaucherie de Ricardo, ses épiques discussions-débats avec sa mère, le charme sans borne de Mamadou et la personnalité échevelée et utopiste d’Arturo offrent toutefois leur lot de bons moments. Évitons ces clichés qui pleuvent, mais ne rafraîchissent pas pour autant : comédie estivale, oui, peut-être, mais qui par ses images et son humour pourra plaire à l’année.