Québec, ville festive, a bien le droit d’explorer la part plus sombre de sa production musicale, là où les confettis sont gris et les échantillons de Red Bull gratuits, pas gratuits. Les amateurs de genres musicaux un peu plus en marge, tels le post-punk, le cold wave, l’industriel et le minimal synth, seront ainsi heureux d’apprendre qu’un tout nouveau festival indépendant faisant la part belle à ces derniers se tiendra cette semaine un peu partout dans la nouvelle ville adoptive de Paul McCartney. Les Nuits de l’Inertie, projet spontané et un peu fou des musiciens Thomas Denux-Parent, Catherine Roussel et leur équipe, s’offriront en spectacle aux mélomanes et autres âmes en peine du 21 au 23 septembre.
« On cherchait à appeler ça “ Les nuits de… “ quelque chose, affirme Catherine Roussel. Donc on a commencé à brainstormer, mais c’était vraiment de la merde. Les nuits sombres. Ou les nuits froides. L’inertie, ce que ça évoque, c’est la rêverie, la passivité, mais aussi quelqu’un de mort. Je trouvais ça vraiment goth ! »
Le projet de festival, encore embryonnaire il y a à peine plus d’un mois, est né du booking à Québec d’un spectacle de Father Murphy, musicien italien au «son mystérieux, énigmatique aux consonances occultes» selon le site web de l’événement. Le passage de cet artiste iconoclaste dans la capitale a poussé Thomas Denux-Parent à voir plus grand, à songer à une programmation entière consacrée à des genres musicaux rarement fédérés sous la même enseigne. « Moi et Thomas, on a starté nos projets (Palissade et Non-Lieu, entre autres) pour qu’il y ait plus de groupes locaux dans le style, ajoute Roussel. On s’intéressait beaucoup à tout ce qui est cold wave, post-punk. La scène montréalaise est vraiment intéressante, mais il ne se passe rien, ou presque rien, à Québec. On trouvait ça dommage. »
Une expérience immersive
L’offre musicale des Nuits de l’Inertie s’enrichissant au fil des semaines, le duo organisateur originel se voit rejoint dans son projet par Cyndie Caron, directrice générale de la Fête de la Musique de Québec, Tania B. Lacasse, disquaire et anciennement de l’organisation des Nuits Psychédéliques de Québec, et Mireille Bouchard, artiste venue prêter main forte à l’équipe afin d’établir une identité visuelle au festival. De mails en mails, de rencontres en rencontres, l’événement prend forme et ne compte pas réchauffer le déjà réchauffé habituel.
« Je crois que dans l’ensemble, ça se veut une expérience, selon Tania B. Lacasse. Il y a un côté très DIY que l’on ne retrouve plus vraiment dans les festivals à Québec en ce moment. Tout ce qui sera présenté cette année, c’est un peu du jamais vu à Québec, ou du moins depuis assez longtemps. C’est un cas de “ bottez-vous le cul et sortez même si vous avez des devoirs “.»
Vendredi le 21 septembre, les curieux pourront donc découvrir, en plus de Father Murphy («L’histoire n’est pas claire sur le gars : il voulait être prêtre, mais finalement il a défroqué pour faire de l’industriel, précise Catherine Roussel en rigolant. Il a une soutane sur scène pendant le spectacle, ça risque d’être intéressant»), Non-Lieu, dont font partie Denux-Parent et Roussel, et The Marquis, projet post-punk doublé d’une part de performance du musicien Dillon Steele.
« The Marquis, il amène avec lui un performeur, et lui, son skill, c’est le pole dancing. Il fait plusieurs types de performances, mais cette fois, ils ont une thématique asphyxie. Il risque d’y avoir de la nudité, ça va être assez intense», ajoute Roussel, aussi intriguée que nous quant à ce qui adviendra sur la scène du Scanner.
Samedi le 22, direction la «mystérieuse Salle de l’Inertie» (260A rue Arago Est – fin du mystère), pour une soirée à thématique post-punk/cold wave, où seront en prestation la formation de Québec, Palissade, que certains ont peut-être découvert lors du plus récent Festival OFF, les Portugais de Morte Psiquica et le projet de l’artiste multidisciplinaire Emilie Roby, Bleu de Minuit. Le tout se poursuit pour les couche-tard à la Cuisine pour une soirée Décadences Électroniques, orchestrée par le DJ Automelodi.
Fin de parcours, dimanche le 23, avec un dernier soubresaut d’inertie du côté du disquaire Le Knock-Out, où le duo IDM/electronica, Périmètre, offrira une prestation, suivi par le trio new wave de Québec Sarajevo & Moi.
Contrer les montagnes russes
« On voit quand même que, dans tous les événements qui se passent à Québec, les festivals en tous genres, il commence à y avoir une belle ouverture à des bands plus obscurs de la région, lance Nicolas Ouellet, membre de Périmètre. Pendant plusieurs années, on était habitués de voir les mêmes noms circuler, maintenant il y a plus de places, les programmations sont plus étoffées, offrent plus de variété. »
«C’est un peu ça l’intérêt de créer des événements, de faire un peu bouger la ville, parce que Québec, souvent, dort au gaz, poursuit Tania B. Lacasse. C’est un peu des montagnes russes : une année ça se passe, puis celle d’après c’est mort. On ne sait jamais trop sur quel pied danser, alors ça prend du monde comme Thomas et Catherine qui lance ce genre de projet spontané.»
Alors que la fréquentation de la première édition du festival s’annonce bonne, les idées commencent déjà à fuser pour la suite des choses : une deuxième édition est évoquée, bien sûr, mais également une étiquette, pour faciliter le booking de groupes évoluant dans les genres de prédilection de l’organisation des Nuits de l’Inertie.
« On voulait montrer qu’on est capables de faire autre chose que des trucs mainstream, familiaux, de conclure Lacasse. Ce n’est pas juste ça non plus Québec. Il y a des gens avec d’autres horizons ici. »