Fuudge est à son meilleur à ses extrêmes, soit dans la lourdeur ou dans l’immédiateté. Sur Les Matricides, tout nouvel opus du groupe, on obtient une dose des deux, une porte entrouverte sur un univers singulier. On est une gang de moumounes, est une écoute intense presque noise rock, à la Steve Albini, plus qu’efficace. De l’autre côté du son, on trouve Toi aussi, une sorte de psych pop aux harmonies vocales très réussies. Mais force est d’admettre que la majorité de ce nouvel album se situe dans un entre-deux un peu maladroit, sans réel dynamisme, ne parvenant à être ni intense, ni mémorable, comme si engagé dans un compromis stylistique dont les frontières sont un peu trop imperméables. La dose n’est pas tout à fait assez forte. C’est un peu comme si les différents genres émulés par David Bujold et ses acolytes ne communiquaient pas entre eux, des sections sont comme collées ensemble: une section “heavy”, une section psyché, complémentée de bruits spatiaux, une section garage, etc. Ces parties sont satisfaisantes, bien écrites, mais peinent à faire un tout qui soit, lui, satisfaisant. Les transitions sont habiles, la réalisation est excellente, le jeu des musiciens aussi, mais on ne parvient pas tout à fait à déceler ce que Fuudge veut dire.
L’album fait bonne impression dans le créneau stoner psychédélique, mais s’inscrit dans une tradition qui commence à être surfaite, sans avoir une personnalité qui lui soit propre. Un album qui n’atteint pas tout à fait la cible, certes, mais qui permet de voir en Fuudge un potentiel indéniable. En espérant qu’à la prochaine parution, David Bujold décide de s’avancer plus décidément dans les extrêmes et de dépasser un peu plus les conventions de genre.
3/5
Le quatuor torontois Luge faisait paraitre le 3 novembre dernier un premier album long, Tall Is Just A Feeling. Fort de deux EPs déjantés et de plusieurs spectacles hors-Toronto, notamment des passages presque trimestriels dans la métropole, le groupe math-pop est déjà sur le radar des mélomanes québécois depuis presque trois ans. Tall Is Just A Feeling vient confirmer la place de Luge parmi les groupes les plus créatifs et éclatés de l’est canadien. Plus mathématique et dynamique que les productions précédentes des Torontois, l’album tisse une trame souvent plus douce, plus texturée. Une légère baisse d’immédiateté, de vers d’oreilles, mais en échange vient une profondeur que l’on ne devinerait pas nécessairement en écoutant les EPs précédents. Les paroles, mi-anglaises, mi-lettonnes, sont plus souvent rythmiques que mélodiques et sautent de grands intervalles, rappelant les moments moins abrasifs de la mouvance no wave. Mais on n’a pas ici un album anti-vague du tout; sur les dix pièces de l’album, le groupe étire le spectre de ses influences, allant chercher les meilleurs éléments de références plus “nineties” comme Ween, Deerhoof, ou encore Primus. On doit admettre que l’album est un peu inégal, certaines pièces se fondant un peu entre elles, mais Luge, même à son moins surprenant, reste plus innovateur que la majorité des groupes actuels et mérite pour ça toute votre attention.
4/5
Martel Solo (Joël Martel et les pépites d’or) – Michel
Martel Solo, penchant musical de l’énormité médiatique du personnage qu’est Joël Martel, faisait paraître le 31 octobre dernier, sur l’étiquette P572, un nouvel album thématique “Halloween”: Michel. Il ne faut pas se le cacher, ici, l’humour est le principal intérêt. L’histoire de Michel, sinistre livreur de poulet, est drôle, bien ficelée et mérite d’être révélée par Martel lui-même; vous ne trouverez pas de spoilers ici. Mais ce n’est pas parce que c’est drôle que ce n’est pas bon : la production, typée années 80, est sincèrement agréable et surprend souvent par sa qualité musicale. Des effets spéciaux synthétisés viennent agrémenter l’histoire et créent une ambiance thriller-esque, les choix d’accords et de mélodies sont intelligents et satisfaisants, et la voix de Martel, bien que parfois fausse, n’est pas sans son charme. Le natif d’Alma s’est entouré des musiciens Pascal TJ BOCA Beaulieu et Fastlight pour l’expérience, formant ainsi le pseudo-groupe Joël Martel et les pépites d’or, une dénomination définitivement hyperbolique, mais pas tant que ça, compte tenu de la qualité du projet. Une écoute très agréable, qui ne marquera sans doute pas l’histoire, mais qui dépasse le créneau du simple album humoristique.
3,5/5