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Psychotropes et équilibre nerveux

Il faut se le dire, le cerveau est encore bien mystérieux. Toutes nos actions, comportements et pensées sont les fruits des réactions chimiques qui s’y produisent. Notre état et notre santé mentale dépendent d’un fragile équilibre entre toutes sortes de molécules complexes, les neurotransmetteurs. En cas de bouleversement, il faut donc parfois un coup de pouce chimique pour regagner cet équilibre chimique. C’est ainsi qu’un tout autre mystère se dévoile : les médicaments psychotropes.

Les troubles de santé mentale ne sont pas rares du tout. Une personne sur cinq en sera atteinte à un moment de sa vie. « C’est énorme, ça veut dire que nous sommes tous touchés, que ça soit nous, un proche ou autre », affirme la professeure de la Faculté de pharmacie, Marie- France Demers. Parmi les maladies les plus fréquentes dans la communauté étudiante, on retrouve les troubles dépressifs, les troubles anxieux et les troubles de déficits de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).

Malgré cette abondance, il existe encore énormément de préjugés et de stigmatisation concernant les troubles de santé mentale et peut-être même plus autour de la médication utilisée pour les traiter. Ils sont vus tant comme des remèdes miracles que comme des plaies sociales. « Pourtant les médicaments ça sauve des vies, s’empresse de souligner la professeure. Toutefois, ils ne doivent pas être vus comme une fin en soi. »

La pharmacienne soutient que la prise de médication devrait idéalement s’inscrire dans un processus plus complet de guérison. « Le médicament ne fera rien tout seul, c’est par la thérapie, en lisant des livres et en confrontant ce qui nous rend malade qu’on se bâtit », relate-t-elle.

L’approche psychologique et l’adoption de saines habitudes de vie sont donc souvent nécessaires pour guérir. Elles ne sont toutefois pas non plus très faciles à envisager. C’est plus difficile à faire qu’à dire, surtout si on est en souffrance et au dépourvu.

La p’tite tape dans le dos

« Les troubles de santé mentale sont des déséquilibres chimiques dans le cerveau qui peuvent être dus au fait qu’on produit trop, ou pas assez d’une certaine molécule », explique le professeur du département de psychiatrie et de neuroscience, Christophe Proulx. Le médicament permet donc de rééquilibrer artificiellement la chimie du cerveau pour donner le petit coup de volant nécessaire pour s’engager dans la voie de la guérison.

Par exemple, pour les troubles dépressifs, la médication agit sur le système de la sérotonine, l’un des neurotransmetteurs largement responsable pour la motivation. « Les antidépresseurs sont souvent des molécules qui empêchent la recapture de la sérotonine, ce qui fait en sorte que quand elle est relâchée, elle sera présente plus longtemps dans le système », élabore le chercheur.

Pour les TDAH, c’est plutôt un dysfonctionnement du système de la norépinephrine et de la dopamine. La première gère tout ce qui est vigilance et la deuxième s’occupe plutôt de motiver des réponses aux stimuli externes. Tel que l’explique M. Proulx, les médicaments, comme le Ritalin, empêchent donc cette fois-ci la recapture de la dopamine et de la norépinephrine.

Pour d’autres types de maladies, c’est le contraire. Certains neurotransmetteurs s’expriment trop. C’est le cas de la schizophrénie où la dopamine bombarde les récepteurs des neurones. Les médicaments imitent alors la forme de ces neurotransmetteurs, ce qui leur permet d’être captés par les récepteurs et de les bloquer. « C’est comme une clef, si tu as les bonnes dents sur ta clef tu peux tourner la serrure et activer le récepteur. Les molécules de ce genre de médication sont comme des clefs qui peuvent rentrer dans une serrure, mais qui n’ont pas les bonnes dents, donc ils ne peuvent pas activer la serrure », illustre le professeur.

De mieux en mieux

Selon Marie-France Demers, depuis plusieurs années, l’efficacité des produits ne s’est pas tant améliorée que ça, mais il y a beaucoup moins d’effets indésirables qu’auparavant. « Par exemple, ceux qui prenaient des médicaments contre la schizophrénie et la psychose avaient beaucoup d’effets de tremblements et de ralentissements de la pensée », poursuit-elle, parlant des craintes et stéréotypes associés aux psychotropes.

C’est que les médicaments sont de plus en plus spécifiques dans leur impact. De plus en plus, ils touchent une moins grande gamme de fonctions cognitives. Mais ce n’est pas fini. Par ses recherches, Christophe Proulx espère être en mesure d’aller jusqu’à cibler les régions spécifiques du cerveau qui sont affectées.

« Si toi tu connais dix personnes dépressives, ce sont aussi dix façons d’être dépressive, remarque le chercheur. Il n’y a pas deux personnes qui vont la vivre de la même façon. » Avec de meilleures cibles pour les médicaments, les traitements pourraient même être encore plus précis et personnalisés pour presque tout un chacun.

« L’efficacité d’un traitement, c’est une chose, mais le confort s’en est une autre et à mon sens c’est aussi important. C’est quelque chose qu’on doit prendre plusieurs mois », ajoute Mme Demers. C’est pour cela qu’il est important de bien exposer les options, les avantages et les inconvénients pour que la personne choisisse selon ce qu’elle anticipe qu’elle pourrait tolérer ou non.

« Il y a sans doute maintenant plus de personnes qui prennent des psychotropes qui peuvent vivre tout à fait normalement et même faire des études supérieures », dit la professeure d’un ton encourageant.

Pas tout rose

Les psychotropes fonctionnent, mais pour ces mêmes raisons, il peut être très difficile de les arrêter. « II y a des gens qui ne seront jamais capables d’arrêter. Ça ne les empêchera pas d’avoir une vie normale, mais à tous les jours, ils devront prendre leur petite pilule », avoue M. Proulx.

Pour s’en départir, le corps et l’esprit doivent apprendre à vivre sans ces derniers. « Tu n’arrêtes pas les médicaments d’un coup, ça doit être fait de façon progressive », raconte le professeur. Il ne faut pas non plus oublier tous les trucs et habitudes développés pour guérir.

La médication peut aussi paraître comme étant une solution rapide et facile. Sur ce point, il existe certainement de l’abus, selon ce qu’affirme Mme Demers. « Est-ce qu’il y a de la mauvaise utilisation de médicaments ? Je suis persuadée que oui. Est-ce qu’il y en a trop par moment chez un individu donné ? Je pense que oui. Le secret, c’est vraiment que le médicament soit au service du projet de vie de l’individu », pose-t-elle.

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