Manque(s) : à ne pas manquer !

Aux portes du quartier Saint-Jean-Baptiste, les feuilles tombent sur les installations du spectacle déambulatoire « Manques (s ) » présenté par Théâtre Escarpé jusqu’au 26 septembre. Tous les soirs, de 20 heures à 21 heures, un guide accompagne par petits groupes ceux pour qui l’art fait défaut depuis les derniers mois.

Par Laurent Roy-Lacaille, journaliste collaborateur aux arts

Avec ou sans masque, mais, certainement distancé, c’est en voiture, dans une cage d’escalier, sur votre divan et suspendu au bout d’un fil, que quatre stations explorent en sons et en couleurs un univers creusé. La mise en scène résiliente et réinventée de Samantha Clavet donne ainsi un coup d’envoi chaleureux à la demi-saison alternative de Premier Acte.

Ce qui finit par manquer, quand nous nous sommes éloignés des autres pour un tête-à-tête en solitaire, peut être difficile à retrouver. La fonction sociale du théâtre est plus que jamais flagrante dans cette œuvre nouvelle. Un retour pour faire le point et se récupérer, se ramasser pour se recoller, quand on s’est échappé parterre, c’est essentiel. Manque(s) permet de se ressaisir. Le spectateur y est un observateur de sa propre histoire qu’il ne s’est pas encore racontée. Il voyage dans des moments autonomes qui cautérisent l’anxiété entre chaque déplacement. L’avant et l’après-pandémie ne sont pas représentés tel qu’ils l’auraient été dans nos souvenirs, mais par une distanciation esthétique, c’est un nouveau souvenir vient s’y glisser à leur place. Prendre conscience de son existence et de sa réalité intrinsèque politise jusqu’à la désaliénation de l’individu.

Un affamé, une mère monoparentale, un toqué, une endeuillée, un barbu de sofa ou un homme affaire en mode yoga : c’est une rencontre improbable qui est pourtant là, à chaque instant au cœur de l’éclectique urbanité dans laquelle on grouille. Manque (s) nous amène à réfléchir sur l’importance de l’art et la place qu’il entretient désormais dans notre société distancée. Ce que le dramaturge allemand Bertolt Brecht entend par « l’art de l’explication » dans « Petit Organon pour le théâtre » est mis en scène avec brio dans notre réalité québécoise. Un bravo à toute l’équipe de création et à la ville de Québec pour nous laisser enfin vivre l’art!

Les départs se font aux quinze minutes dans le stationnement en face du parc Lockwell. La réservation peut se faire sur place ou en ligne ici. Une contribution de vingt dollars est suggérée. Des breuvages non alcoolisés sont en vente sur place. Le spectacle est aussi disponible en baladodiffusion.

Photos © David Mendoza Hélaine

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