Je prends tranquillement une marche au centre d’achats. Les gens vont et viennent allègrement dans les allées; des personnes âgées, assises sur les bancs, contemplent le temps qui passe; un couple de jeunes femmes plus séduisantes que la moyenne attire mon regard.
Je note, non sans plaisir, leurs cheveux longs et soyeux, des manteaux qui soulignent l’étroitesse de leurs tailles et des jeans probablement inconfortables, tant ils moulent leurs jambes. Leur démarche soignée et ondulante réclame également mon attention. Puis je remarque qu’elles se tiennent la main, et soudain s’embrassent. Des lesbiennes, me dis-je. Dans mon for intérieur, je commence à méditer avec satisfaction sur la tolérance de mon époque… Continuant ma marche, je croise le couple dans l’allée et l’une des amoureuses me heurte en passant. Elle se retourne, me lance un regard tout en s’excusant – d’une voix définitivement masculine.
Oups! Il s’avère que ce n’étaient pas des lesbiennes, mais un couple tout ce qu’il y a de plus conventionnel, si ce n’est que l’homme semble plus féminin que sa compagne. Consterné, je me lance sur une dérape introspective. Mais où est passée la virilité? Le machisme, attitude dépassée, a été presque entièrement abandonnée au vingtième siècle – bon débarras. Tout de même, il importe de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain : la virilité a encore sa place dans la société. Certes, les sexes sont égaux. Cela ne devrait pourtant pas nous empêcher de savourer les différences.
Premièrement, les hommes sont en général plus forts physiquement. Il va sans dire que cette force s’associe naturellement avec le concept de protecteur. Qui n’apprécie pas se sentir en sécurité dans l’étreinte amoureuse? Pourtant, je parlais à des amies dernièrement, dont la majorité m’ont avoué que leur amoureux ne les avait jamais soulevées du sol, que ce soit pour les transporter ou à d’autres fins.
Deuxièmement, le corps d’un homme possède ses propres particularités que l’on devrait apprécier plutôt que dédaigner. De nos jours, on voit quotidiennement des publicités pour l’épilation, dont l’épilation complète masculine, qui connaît une effervescence. On nous vante les résultats – les bras, le torse, les jambes et même plus se retrouvent aussi nus qu’un bébé naissant. Pourquoi acceptons-nous cela, sans questionner la mode, la présomption qu’être imberbe constitue une amélioration? Il m’arrive de penser qu’il s’agit de ne pas se respecter soi-même que d’avoir recours à de telles procédures.
Pour finir, un corollaire de la force physique et du rôle de protecteur est la galanterie. En éliminant les démonstrations de force, de peur de se faire appeler macho, on élimine également les occasions où notre force est mise à profit d’une tierce personne, tel qu’en tenant la porte à une personne âgée ou en offrant spontanément de se charger des lourds sacs d’épicerie d’une amie ou compagne. L’uniformisation des sexes n’apporte rien. Il existe maintenant un consensus social selon lequel la femme accepte préférablement son corps tel qu’il est – pourquoi l’homme ferait exception à cette règle de bon sens?