Maude Nepveu-Villeneuve fait une nouvelle fois preuve de son talent de conteuse : Après Céleste, c’est d’abord le récit d’une tension concentrique entre tristesse, colère et culpabilité. En apparence insoluble, cette crispation du deuil, vécue par le personnage de Dolores, s’appesantit sur le lecteur : elle l’englobe, tel un trou noir par lequel il ne saurait s’échapper. Cependant, une lumière incandescente émane du roman : derrière chaque malheur, derrière chaque tragédie — aussi terrible soit-elle —, se cache l’espoir de la guérison. Après tout, qu’est-ce que le deuil, si ce n’est d’apprendre à dire au revoir ?
Par William Pépin, chef de pupitre aux arts
Après avoir perdu son bébé en cours de grossesse, Dolores retourne vivre dans la maison de son enfance, à Moreau. Cette convalescence lui donnera l’occasion de venir en aide à madame Labelle, sa voisine qui se remet d’une fracture à la jambe. Son retour à Moreau lui permettra également de développer une complicité touchante avec sa petite voisine Olivia. Toutes les trois s’accompagneront dans la guérison de leurs blessures respectives, dans un récit aux allures de conte, à mi-chemin entre la bienveillance de l’enfance et la dureté de la vie adulte. Ici, blessure et guérison se conjuguent dans la force de la résilience.
« Je serre les lèvres. J’aurais envie de lui demander ce qui s’est passé, où ils habitaient avant, quelle sorte d’oiseau avait sa mère, mais quelque chose me retient, le fait peut-être qu’on se connaît à peine et que ce n’est pas de mes maudites affaires, et que ma curiosité malsaine d’adulte devrait se retenir de fouiller dans les plaies d’une enfant orpheline qui s’ennuie dans un village perdu avec pour seuls compagnons son père qui doit travailler et une voisine âgée et blessée qui peut tout juste jouer aux cartes avec elle les trop longs après-midis d’été. »
Après Céleste allie le réalisme cru de la perte avec la magie de la guérison, dans un aller-retour émotif que l’autrice manie à merveille. Soyez-en averti.es : les larmes couleront, et c’est tant mieux. Dans son roman, Maude Nepveu-Villeneuve insère du fantastique — subtil et bienvenu —, non pas comme un échappatoire, mais comme faisant partie d’un processus, d’un travail qui mène à panser le passé. Le village de Moreau, en apparence des plus banales, accueille dans ses fondements, dans ses racines, une magie réparatrice. Tout le travaille de Dolores, dans le récit, consiste à accueillir cette magie, cette lumière, et de comprendre que derrière l’arbre se cache la forêt, derrière la peine, l’espoir, derrière le passé, l’avenir.
« J’ai eu si souvent l’impression de m’être perdue, mais je ne sais pas si j’ai déjà su où j’étais. Peut-être que ma vie n’a été qu’une suite de longs égarements qui ont fini par me ramener jusqu’ici, à Moreau, dans cette chambre que je n’ai jamais vraiment quittée. »
S’il n’y avait qu’une chose à retenir de ce roman, c’est l’idée d’aider pour s’aider: c’est en donnant un peu de nous aux autres que l’on peut espérer s’aider soi-même, dans l’espoir de pouvoir à nouveau réfléchir à l’après. Le récit de Dolores prouve qu’il faut également savoir accepter l’aide qui se présente à nous (souvent à notre insu ou contre notre gré) si l’on veut venir à bout des intempéries, plus transitoires qu’indélébiles.
Maude Nepveu-Villeneuve, Les Édition de Ta Mère, Montréal, 2021, 149 pages.