Le déclenchement des élections par Jean Charest dans un contexte de ras-le-bol électoral est certainement un affront à l’opinion publique. Par contre, la stratégie libérale risque de porter ses fruits. Les deux partis d’opposition, visiblement mal préparés, n’ont pas de plateforme solide pour se battre sur le terrain où veut les amener le premier ministre sortant. L’ADQ, empêtrée dès le départ dans des déclarations chocs, risque d’y perdre son statut d’opposition officielle.
Les déclarations spectaculaires du chef Mario Dumont attirent l’attention, les grands titres accrocheurs et percutants sont devenus la marque de commerce de ce parti en perte de vitesse.
«L’ADQ propose aux Québécois d’être directement propriétaires d’Hydro-Québec.» Proposition la plus inusitée entendue depuis le début de la campagne. Quand on regarde cette idée, elle n’apporte rien dans le contexte de crise. Privatiser 7,5 % des actifs d’Hydro-Québec rapporterait 10 G$. Cette somme, remise sur la dette, dégagerait 600 M$ d’intérêts en moins à payer chaque année, selon le chef de l‘Action démocratique. Les surplus seraient utilisés pour augmenter le pouvoir d’achat, en plus des dividendes pour les propriétaires d’actions. Cette stratégie ne porterait fruits qu’à très long terme pour relancer l’économie.
Selon les analystes, la fin du creux de la récession serait attendue pour le 2e trimestre de 2009. Cette mesure n’apporte donc aucun levier de relance. De plus, il est difficile de comprendre les chiffres de l’ADQ. La valeur des actifs d’Hydro-Québec est de 60 G$. Pour obtenir 10 G$ de revenus de la vente de 7,5 % des actifs de la société d’État, il faudrait hausser considérablement les tarifs.
Autre grande déclaration, Mario Dumont promet 1 G$ pour défendre le pouvoir d’achat. Pour s’y prendre, un gouvernement adéquiste offrirait un crédit d’impôt de 50 % sur les intérêts hypothécaires pour les familles avec un revenu inférieur à
150 000 $. Cette mesure, visant un segment précis de la société, aurait peut-être un effet à terme sur la consommation. Par contre, il faut se demander pourquoi favoriser les propriétaires à revenu moyen plutôt que d’autres groupes. Les intentions économiques de ce programme sont douteuses lorsque l’on sait que cet électorat était acquis à l’ADQ lors de la dernière élection. Cette mesure est inappropriée pour le contexte québécois. Contrairement aux États-Unis, il n’y a pas ici de bulle immobilière.
L’Action démocratique propose aussi une réingénérie de l’État par des compressions budgétaires de 2 G$. Pour y arriver, l’ancien parti d’opposition couperait 1 G$ en dépenses superflues et un autre milliard dans les subventions aux entreprises. Il ne fait aucun doute que la société québécoise devra revoir son appareil étatique trop lourd pour une société vieillissante, mais encore une fois, ces mesures ne sont pas un plan de sauvegarde pour notre économie. Ces dispositions pourraient être adoptées dans un contexte de croissance, mais ajouter de l’incertitude en situation de récession est nocif pour l’économie.
L’Action démocratique semble à la recherche d’une clientèle par ses déclarations incendiaires, ce qui soulève la controverse plutôt que d’apporter des solutions. Pourtant, certains aspects de l’idéologie adéquiste par rapport à la dette et à la taille de l’État, ne sont pas négligeables à long terme. Mario Dumont critique l’immobilisme des autres partis, mais une plateforme avec une vision uniquement à long terme, sans mesures réalistes de relance, c’est aussi de l’immobilisme.