Le 7 janvier dernier, au Bar-Spectacle le Quartier de Lune, se produisaient les groupes musicaux kaos ctrl, MindPort et Synthetique dans le cadre d’une soirée industrielle. C’était l’occasion pour moi de découvrir et d’apprécier, en direct et par l’entremise d’artistes talentueux.ses, la musique industrielle sous toutes ses couleurs.
Par Ève Nadeau, journaliste collaboratrice
Au plafond étaient accrochés des bâtons lumineux orangés comme de multiples sabres lasers. L’ambiance, dans la salle, me faisait penser à mes sci-fis préférés du cinéma ainsi qu’aux films néo-noirs de Nicolas Winding Refn qui usent excessivement de l’éclairage au néon coloré. Avant même que débute le concert se répondaient, dans ma tête, des mondes parallèles dans lesquels humains et robots cohabitent et où nous entendons jouer des guitares lance-flammes à la Mad Max. Sur la scène, les instruments étaient prêts à être utilisés : sur le clavier, on avait déposé un petit robot aux yeux « lasers » du nom de Jim, et à côté se trouvait une guitare électrique, mais sans lance-flammes. Il manquait seulement la présence du premier groupe de la soirée, kaos ctrl.
Je m’apprêtais à entendre une musique dite « industrielle » et avec laquelle j’étais peu familière. J’apprendrai plus tard que le terme a été popularisé dans les années 70, en Angleterre, où plusieurs groupes de musique industrielle sont nés et ont fait émerger une contre-culture favorisant le dialogue entre les arts : graphisme, musique, performance et vidéo, tous « dans un cadre expérimental et sous l’emprise croissante des technologies » (Ballet, 2015). Allmusic nous dit, plus précisément, que cette musique est (je traduis) « la plus abrasive et agressive fusion du rock et de la musique électronique ». Surtout, elle exprime, en passant par les instruments de musique, les samples (échantillons), les sons mécaniques, menaçants, une rage que même les paroles et leurs « thèmes d’aliénation et de déshumanisation » mettent de l’avant.
C’est avec beaucoup d’excitation que j’ai regardé les membres de kaos ctrl monter sur scène pour nous offrir la première performance de la soirée. Le fondateur du groupe, Thomas Michaud-Baeyens, a lui-même construit Jim, le robot, dont les yeux projetaient des faisceaux lumineux multicolores qui rendaient leur performance d’autant plus électrisante et dynamique. Je lis, sur leur page Bandcamp, que kaos ctrl est (je traduis) « un duo de la ville de Québec qui utilise les arts visuels, les machines, le rock industriel et le hip-hop pour refléter notre époque et divertir ». En effet, le divertissement était au rendez-vous : l’énergie dégagée par les membres et leur excellence musicale, que ce soit à la voix ou à la guitare, étaient manifestes et nous entraînaient aisément sur la piste de dance. Il en va de même pour le rappeur Bad Soya qui les a accompagnés sur scène pour quelques chansons et dont l’enthousiasme et le talent concordaient à merveille avec la force du duo.
Le deuxième groupe à offrir une prestation, quant à lui, tel qu’écrit sur Bandcamp, « oscille entre la synthwave industrielle, la cold wave alternative et les sons cyber-ésotériques rétro-électroniques ». Alors que kaos ctrl nous a ancré dans le temps présent, interrogeant le capitalisme, la corruption et les dynamiques de pouvoirs propres à notre époque, MindPort nous a transporté dans sa nostalgie d’un futur dystopique qui n’est pas sans rappeler l’univers musical et narratif du musicien Gary Numan. L’omniprésence du synthétiseur ainsi que la basse séduisante ponctuant chaque chanson, sans oublier la guitare électrique et la voix du chanteur comme fils conducteurs, ont réussi à transposer sur scène l’ambiance envoûtante dégagée par l’histoire de robots et d’esclaves racontée par leur album concept MetaPerverse, que vous pouvez d’ailleurs lire – en même temps d’entendre des extraits de chansons – en cliquant ici.
Mention spéciale à Genevieve Coholan-Lachance, second membre de kaos ctrl, qui a contribué à leur dernier album et qui est retournée sur scène à trois reprises pour s’emparer du micro et offrir ses meilleures performances vocales de la soirée, particulièrement lors de la chanson aux airs de disco « Moving lights » qui nous a toustes fait sourire et danser. Le plaisir s’est bien sûr poursuivi jusqu’à la clôture de la soirée industrielle assurée par Synthetique, un groupe de la Baie-Saint-Paul dont l’agressivité, comme qualité indéniable, a réjoui la foule d’une chanson à l’autre. En effet, leur musique provocatrice, un parfait mélange de punk, d’électronique et de métal, détonnait de celle des deux précédents groupes et leur a permis de captiver le public autrement, me faisant apercevoir de nouveaux « headbangers » se déchaînant avec joie devant la scène sur laquelle s’est positivement démarqué le fondateur du groupe et artiste multidisciplinaire Michael Mercier.
Tout ce que je peux vous suggérer, après cette soirée remarquable, c’est d’aller sur Bandcamp, Spotify, Youtube ou bien Facebook et de rester à l’affût de tous ces artistes extraordinaires qui composent kaos ctrl, Bad Soya, MindPort et Synthetique. Qui sait, peut-être joueront-ils, bientôt, dans une salle près de chez vous !
Références
Allmusic. Pop/Rock » Alternative/Indie Rock » Industrial. https://www.allmusic.com/style/industrial-ma0000002658/albums
Ballet, N. (2015). « Musique industrielle et esthétisation de l’horreur. Les tactiques de choc du groupe SPK ». Dans L’Autre musique.