Photo : Courtoisie, Frédéric Veilleux

Autour de la lune

Photo : Courtoisie, Frédéric Veilleux

Créé à la Faculté de musique de l’Université Laval en 2009, l’Ensemble Lunatik se dédie à la musique contemporaine. Le 17 novembre dernier à l’Espace Hypérion, il nous présentait une soirée bâtie autour du Pierrot Lunaire d’Arnold Schönberg afin de commémorer le centenaire de la création de l’oeuvre.

Justine Pomerleau-Turcotte

En guise de préam­bule, le public était convié 30 minutes avant le concert à une causerie di­rigée par Dominic Spence, musicologue. Une décision judicieuse; en effet, l’appré­ciation de cette oeuvre néces­site un minimum de prépa­ration afin d’aller au-delà du choc de la première écoute. Tout d’abord, elle est atonale, ce qui signifie que l’oreille ne peut s’accrocher aux repères qui ont guidé la musique jusqu’à cette époque et qui ba­lisent encore la majorité de la musique produite aujourd’hui. On peut parfois avoir l’im­pression que la mélodie est absente. De plus, un traite­ment particulier est réservé à la voix : les poèmes d’Albert Giraud (traduits en allemand par Otto Erich Hartleben) sont déclamés avec la technique du Spechgesang (littéralement «parlé-chanté»). Par consé­quent, les notes sont atta­quées avec des inflexions se rapprochant de la parole, avec des vagues, des glissades, qui ajoutent expression et ten­sion aux oeuvres abordées comme des contes, de façon très théâtrale.

Pierrot Lunaire est un mélo­drame en trois parties, cha­cune comportant sept poèmes, supportés par un ensemble musical à géométrie variable dirigé par Patrick Giguère et composé de Grégory Ellefsen (violon et alto), Marie-Loup Cottinet (violoncelle), Marie-Ève Paquin (flûte traversière et piccolo), Samuel Desgagné Rousseau (clarinette et clari­nette basse) et Fabienne Gos­selin (piano). Elizabeth Veil­leux, mezzo-soprano, assurait avec aplomb la partie vocale.

Des sept premiers poèmes émane une tristesse doulou­reuse et angoissée. Le second groupe est teinté de crise psychologique. Quant au troi­sième, il est plus descriptif. L’ensemble est sombre et semble par moments être une bande sonore de la folie.

Malgré tout le talent des mu­siciens et de la chanteuse-ré­citante, il était toutefois assez difficile d’apprécier les chan­gements d’atmosphère aux­quels on aurait pu s’attendre entre les sections; la distance de la scène empêchait de bien voir les changements d’ex­pression.On aurait pu sentir une plus grande gamme de teintes de la folie et de l’an­goisse qui sont parties inté­grantes de l’oeuvre. Toutefois, l’Ensemble Lunatik, en s’atta­quant à cette oeuvre colossale, a prouvé son savoir-faire, sa solidité et sa capacité à livrer des interprétations justes à la hauteur du compositeur mis en valeur lors de cette soirée. Un beau moment de musique contemporaine, dans une ville où ils se font plutôt rares.

Pierrot Lunaire était précédé de trois créations récentes de compositeurs de la relève: Filet des airs, de Pierre-Olivier Roy; De deux choses Lune, com­mandé à François Millette spé­cialement pour cette soirée et The Answer is on the other side of it, dédiée à Neil Armstrong et également composée pour l’occasion par Dany Labarre.

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