Le projet mégalo de Coppola

On l’attendait depuis longtemps et avec impatience, le dernier film de Francis Ford Coppola (Le Parrain, Apocalypse Now) vient de sortir en salle. Mégalopolis se veut être une fable aux airs de science-fiction mélangée à une métaphore sur l’Empire romain. Âgé de 85ans, le réalisateur signe peut-être son film testament, mais très honnêtement, on n’espère pas pour lui.

Par Camille Sainson, journaliste multiplateforme

Dans une New Rome – savant mélange entre un New York moderne et Gotham City – où la richesse n’appartient qu’à une poignée de privilégié.es décadent.es, Cesar Catlinia (Adam Driver) est un architecte qui a le pouvoir d’arrêter le temps. Il souhaite remodeler la ville avec un projet utopique, peut-être un peu trop utopique, et veut donner une forme au temps lui-même dans une tentative quelque peu mégalomaniaque. Le projet avait de quoi être intéressant, d’ailleurs il s’agit d’un long rêve de Coppola qui mentionne avoir écrit une première version du scénario dans les années 1980. L’impossibilité de trouver un producteur n’a pas empêché le réalisateur de revenir en force 40ans plus tard en investissant sa fortune personnelle, à raison de 100 millions de dollars, pour pouvoir autoproduire son film. Peut-être aurait-on dû y voir un signe…

Toujours est-il que Coppola a réussi à obtenir un casting de luxe avec Adam Driver, Shia LaBeouf, Jon Voight, Jason Schwartzman ou encore Dustin Hoffman. Mais est-ce que de grand.es acteur.rices et un grand réalisateur suffisent à faire un bon film ? Apparemment pas.

Commençons par la photographie, prise en charge par Mihai Mălaimare Jr. qui a déjà travaillé sur plusieurs projets de Coppola, mais au talent douteux (il n’a obtenu de récompenses que pour son travail sur The Master). Mégalopolis a en effet un réel problème au niveau de l’image : il n’y a aucune homogénéité esthétique, l’étalonnage n’est ni fait ni à faire, on alterne entre une image jaunâtre et des plans presque bruts à l’aspect documentaire. Je ne vous parle même pas des fonds verts qui crèvent les yeux ou encore de l’utilisation de split screen et de scènes d’animation insérées à tout va dans le film…

Niveau scénario, ce n’est pas mieux : il ne passe pas grand-chose, les personnages n’ont aucune profondeur, Coppola en a même profité pour tuer le charisme d’Adam Driver, c’est pour dire.

On peine à comprendre l’ambition de l’architecte, son lien avec son/ses épouses et puis pour un personnage qui contrôle le temps et est obsédé par le futur, il est quand même bien tourmenté par son passé. Les dialogues alambiqués qui veulent flirter avec Shakespeare restent cloués au sol et les phrases bateaux à la « can love stop time ? » nous laissent un arrière-goût amer dans la bouche. Passons rapidement sur les allégories qui prennent vie comme si Coppola devait absolument nous expliquer tous ses concepts, sauf bien sûr l’imbroglio de sa trame narrative de base.

Rien ne sert donc de courir pour admirer Mégalopolis, un projet de grande envergure qui retombe comme un soufflet. Peut-être aurait-il fallu attendre encore quelques années pour peaufiner le scénario, ou définitivement reléguer cette œuvre au placard, parce qu’en l’état, ça ne vaut pas du grand Coppola.

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