Crédit photo : Yves Renaud

Retour rapide dans les années 70

C’est avec plaisir que nous retrouvons Olivier Normand après Les Aiguilles et l’Opium, dans cette nouvelle production de Robert Lepage intitulée Courville. Le metteur en scène nous plonge avec ferveur dans le Québec des années 70, oscillant entre un parfum nostalgique et le relent du cliché désuet.

Par Camille Sainson, journaliste multiplateforme

Soyons honnêtes, le Diamant aime l’alliage surprenant du classique et du moderne. Entre Robert Lepage, et sa renommée qui n’est plus à faire, et ses mises en scène toujours plus surprenantes, nous assistons cette fois-ci à un spectacle de marionnettes hors du commun. Nous pénétrons dans la vie de Simon, un adolescent en quête identitaire qui doit faire le deuil de son passé, de son père et d’une hétérosexualité dont il est difficile de s’émanciper. Accompagnés de la voix d’Oliver Normand, les personnages prennent vie dans ce grand solo aux multiples intonations. On s’attache à eux comme s’ils s’agissaient de vrais acteurs et ce, malgré les trois marionnettistes, Wellesley Robertson III, Martin Vaillancourt et Caroline Tanguay, vêtus de noir pour se fondre dans la pénombre.

© Christophe Raynaud de Lage

L’aspect technique avec cette double scène qui se lève et s’abaisse constamment nous rend également bouche bée d’admiration. Il faut, en effet, qu’acteur et marionnettistes composent avec un environnement en perpétuel mouvement, tout en récitant le texte ou en faisant bouger les personnages. Si l’utilisation de supports audiovisuels n’est pas toujours intéressante dans le cadre d’une représentation, il faut bien avouer qu’ici rien n’est pixélisé. On douterait presque parfois de la facticité des décors. Nous passons donc de la chambre / garage de Simon, à la Chute Montmorency, au musée, aux routes désertes, etc. Pas le temps de nous ennuyer, les scènes s’enchaînent sans arrêt. C’est peut-être l’une des critiques que nous pouvons faire : tout est trop rapide, toutes les péripéties s’enchaînent, malgré, parfois, leur absurdité (il y a beaucoup trop de morts et d’accident en peu de temps, nous ne sommes pourtant pas devant un film de Michael Bay). Nous regrettons aussi l’utilisation excessive de clichés pour parler d’une époque révolue, mais déjà forte en symboles. Pas de place pour la subtilité ici, même en ce qui concerne l’homosexualité ou la dépression. Robert Lepage fait dans les grandes lignes et c’est un peu dommage.

© Yves Renaud

Malgré ces problèmes liés à l’écriture, on ne peut que souligner une fois de plus le talent d’Oliver Normand, tant de sa maîtrise vocale pour passer de voix féminines à masculines en quelques secondes, que pour sa prestance, pour ce long monologue de deux heures sans interruption. Finalement, Courville c’est un retour un peu rapide sur des années somme toute complexes, mais la virtuosité technique nous fait oublier, le temps d’un instant, la frontière entre fiction et réalité.

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