Nosferatu, un remake sans importance ?Camille Sainson·12 janvier 2025Arts & cultureCinémaEn vedette Sorti le 25 décembre – date surprenante pour un film horrifique – le quatrième long-métrage du réalisateur américain Robert Eggers s’empare du mythe plus que connu du fameux Nosferatu. Après The Witch (2015), The Lighthouse (2019) et The Northman (2022), Eggers abandonne l’article défini pour la sobriété du nom, sans pour autant rompre l’homogénéité de sa filmographie : noir et obscurité occupent toujours une place prépondérante dans son image. Par Camille Sainson, journaliste multiplateforme Commençons par un bref historique de la situation : la première version de Nosferatu est réalisée par l’allemand Friedrich W. Murnau en 1922 et est en fait une adaptation « libre » du roman Dracula de Bram Stoker. Disons que pour éviter de devoir payer des droits d’auteur, Murnau a simplement modifié quelques noms et situations. Malheureusement pour lui, il est rattrapé par la justice qui le somme de détruire toutes les copies du film. Fort heureusement pour nous, de nombreuses copies avaient déjà circulé à l’étranger, le chef-d’œuvre du cinéma expressionniste allemand est sauf. En 1979, c’est Werner Herzog qui s’attèle à un premier remake et s’il garde l’ambiance sinistre de l’original, il parvient à apporter une certaine originalité à ses images. Toujours est-il que plusieurs critiques lui reprochent de ne pas s’être véritablement émancipé du cadre déjà utilisé par Murnau. Nous en arrivons maintenant à l’œuvre de Robert Eggers, deuxième remake d’un film culte, trop culte peut-être pour parvenir à faire de la place à ses réadaptations. L’horreur gothique est bel et bien présente, l’ambiance est toujours aussi sombre dans cette Allemagne du XIXe siècle qui doit jongler entre épidémie de peste et obscurantisme religieux. Certains plans sont d’ailleurs magnifiques : la scène où le jeune Thomas Hutter (Nicholas Hoult) se retrouve en pleine nuit, seul sur le sentier qui mène au château du comte Orlok (Bill Skarsgård), que la neige fantomatique tombe autour de lui et qu’une calèche spectrale vient le récupérer, tous ces éléments oscillent dans un univers en noir et blanc plus que mystique. Mais si Murnau avait opéré quelques changements, histoire de se détacher du roman, Eggers nous offre un copier-coller du film original. Pour celleux qui ont d’abord visionné l’œuvre de 1922, le remake de 2024 ne leur offrira que peu d’originalité. C’est bien dommage pour un univers aussi foisonnant que celui du vampirisme et de l’horreur, mais là où la photographie de Jarin Blaschke ravit nos pupilles, le scénario, quant à lui, fait mouche. C’est donc un long 132 minutes qui nous attend, où les rebondissements sont connus d’avance et où la figure féminine d’Ellen Hutter, campée par Lily-Rose Depp, ne parvient pas à insuffler un air de renouveau, ni même un brin d’audace féministe. Le grand méchant éponyme n’aura même pas le droit à un quelconque développement, parce qu’être méchant ça suffit bien. On ressort donc de la séance avec un léger goût d’amertume pour un film qui fait légèrement sursauter, mais qui ne parvient pas à nous faire oublier un original déjà consacré. Auteur / autrice Camille Sainson Voir toutes les publications