« Entre frère et sœur, nul besoin de mettre des gants blancs », explique Mathilde Eustache, et sa pièce coécrite avec son frère Emmanuel n’en met certainement pas. Que ce soit pour nous faire rire ou pour aborder des sujets lourds, aucun punch n’est retenu dans cette proposition loufoque sur scène jusqu’au 6 décembre.
Texte : Emmanuel et Mathilde Eustache | Production : Mathilde Eustache | Mise en scène : Laura Amar et Pascale Chiasson | Costumes : Marie-Pascale Chevarie | Musique et son : Emmanuel Eustache et Pascal Larose-Picher | Décors et visuel : Youri White et Charlyne Roux | Distribution : Mathilde Eustache, Constance Gosselin et Jonathan Daniel
Ma collègue Noémie à Chéri.e, j’arrive !, dans la salle en même temps que moi pour la première hier soir, me dit immédiatement que c’est la meilleure mise en scène qu’elle ait eu l’occasion de voir au 1er Acte depuis le début de l’année. Et je ne peux qu’être d’accord! À peine assis, le public se retrouve dans une forêt de mousses, pierres et branches ornent les bords de l’estrade et donne du relief au cube du théâtre noir, à présent doux et éthériel.
Et pourtant, quatres sièges de voiture parmi les rondins. Un clash notable qui trouve écho dans toute l’œuvre ; un véhicule du mouvement pris entre des arbres permanent, un habitacle claustrophobique envahi par la nuit illimité, une sœur sévère, la tête sur les épaules, en roadtrip funèbre avec son frère, peu ambitieux et rêveur.
Ces dichotomies en querelle créent un espace de l’entre-deux, la boîte du chat de schrödinger où leur mère incinérée depuis 7 ans est encore vivante, encore morte, aussi réel que la Jackalope roadkill, qui comme un hamster dans le frigo, doit à présent être redonnée à la terre.
« Ben oui! J’ai vu ça dans un livre d’animaux rares à Jennifer! Oh mon dieu, c’est quoi déjà leur nom… Ça imite la voix humaine, pis ça a un nom cave genre Peter-hoop, John-euh.. Jackhop! JACKALOPE! »
Je suis un frère et un fils qui a été une sœur et une fille. J’ai vécu ce que ça veut dire d’avoir une relation mère-fille, avec le bagage générationnel que cela implique, et je vis ce que c’est d’être un frère qui attend stabilité et soutien à toutes épreuves de sa sœur. Le texte m’a touché, car il met en mots des choses que je n’ose pas dire ; que les mamans peuvent être « étrangement lourdes même en poudre », que les frères ça attend trop d’être sauvés par les femmes parce que « sans [leur] cœur de mère je serais par terre », que pour continuer à aimer, des fois, il ne peut rester « de toi ce que j’ai envie qu’il me reste ».
C’est un beau texte, accompagné par la musique douce de Pascal Larose-Picher et le violoncelle live de Mathilde, mais le tout est surtout dément. La poupée très uncanny, le douteux remorqueur moustachu, les animaux zombies et l’arrestation loupée de frères tueurs de poupons, tous des signes que le deuil c’est la chose la plus insensée qu’une famille ait à vivre. Mais, est-ce que les liens familiaux, ce n’est pas tout aussi difficile à signifier ?
Crédits photos : David Mendoza Hélaine.



