À la charpente des fauves, Juliette Matte-Breton propose Spectrum of Feminine Rage, son projet de fin de maîtrise en installation photographique : « Le projet s’appuie sur des écrits dans lesquels l’artiste explore les expériences qui nourrissent sa rage féminine, (…) [qui lui] servent à élaborer des concepts et à créer des personas (…) ensuite mises en scène dans des œuvres photographiques. » Elle se termine demain à 16h, alors allez-y !
par Léon Bodier, chef de pupitre aux arts et à la culture
Entre photos de l’artiste en tenue girly pop, télévision cathodique, DVD des barbies, système de karaoké, tapis de gym et figurines en porcelaine — le tout baigné dans un rose fuchsia presque irréel — la salle blanche de la Charpente des Fauves recompose une chambre Y2K déconstruite, nous renvoyant en pleine figure la nostalgie d’une identité façonnée quelque part entre Britney Spears et Playboy magazine.

Effectivement, Juliette présente une œuvre qui « cherche à susciter une réflexion sur la condition féminine à travers des images, des slogans et des références populaires, en mobilisant directement les codes capitalistes et patriarcaux occidentaux plutôt qu’en tentant de s’en dissocier. »
L’exhibition m’a immédiatement rappelé une scène de The Wilds (2020-2022, Prime) ; série-télévisée mettant en scène un groupe d’adolescentes échouées sur une île déserte après le crash de l’avion censé les conduire à une retraite féministe. La discussion se déroule entre Fatin, une violoncelliste « glamour », consciente de son apparence comme d’un espace d’expression, et Dot, qui incarne au contraire une identité androgyne et pratique, liée à son rôle de survivaliste :
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Comme cette scène, l’exposition de Juliette montre que la revalorisation de la féminité ne se fait pas dans la rupture avec les codes de la culture populaire d’où elle origine, mais dans « [u]ne colère créée par toutes les fois où je ne m’étais pas sentie écoutée. Une feminine rage. » Parmi ses photos, des cartons pleins de questions de l’artiste sans réponses : « je pense que ça me rend encore plus en criss de me faire dire que je n’ai pas le droit d’apprécier les choses que j’aime parce qu’on les a un peu forcées sur moi. Est-ce qu’il faut que je déconstruise ma vie et mes souvenirs ? »
Fatin et Juliette exposent une incompréhension réciproque, révélatrice des tensions internes au féminisme contemporain : peut-on être féministe en adoptant des codes issus d’un imaginaire hyper-féminisé façonné par la culture patriarcale ? Juliette admet qu’ « [i]l est complexe d’aimer profondément et d’appartenir à une culture qui entretient des structures qui nous font mal. Surtout quand on se rend compte que tout ce que nous avons consommé a participé à construire this badass bitch. »
Mais finalement, l’artiste pose une question rhétorique pour celles qui ont du ressentiment face à l’idée que s’habiller « girly » renvoie à des stéréotypes dont elles cherchent à se détacher : « est-ce qu’on peut dire que la colère est une émotion laide quand elle motive à faire de belles choses ? »
*photos et citations prise à la charpente des fauves

