À l’approche du Sommet sur l’enseignement supérieur, qui aura lieu la semaine prochaine, les esprits s’échauffent quant au financement des études supérieures. La conférence des recteurs d’universités ( CRÉPUQ ) affirme qu’il manque au moins 600 M$ pour accoter le financement des autres universités canadiennes. Michel Seymour, professeur de philosophie à l’Université de Montréal, croit plutôt que le problème vient d’une mauvaise répartition du financement dans les universités.
Pierre-Guy Veer
M. Seymour a exposé sa vision des faits et a proposé des solutions lors d’une conférence de l’Institut d’éthique appliquée ( IDÉA ) le 11 février dernier. Selon les chiffres qu’il a présentés, il se dépense plus d’argent par étudiant au Québec qu’ailleurs au Canada. « Si on inclut les immobilisations, les fonds de dotation, de recherche et les inscriptions, on arrive à une dépense de 1,94% du PIB, par rapport à 1,58 % en moyenne ailleurs au Canada. »
« Ce dont les recteurs se plaignent, c’est d’un manque d’argent dans leur fonds de fonctionnement, qui provient principalement des coupures des transferts fédéraux en 1994-1995, affirme-t-il. Lorsque les surplus sont revenus, Ottawa, au lieu de rétablir le financement original, a plutôt octroyé de l’aide directe comme les Bourses du millénaire. »
Trop d’immobilisation
M. Seymour croit aussi qu’un des problèmes vient de ce qu’il appelle la « dérive tentaculaire » des universités. « Quand il a été ministre de l’Éducation, François Legault a encouragé une compétition excessive de mauvais aloi entre les universités. Résultat : il y a eu une expansion sans précédent des campus satellitaires de plusieurs institutions », explique le philosophe.
« Non seulement y dépassements de coûts d’au moins 50 % dans plusieurs cas, mais le financement était pris à même le fonds de fonctionnement, poursuit-il. La Fédération québécoise des professeurs d’université a publié une étude dénonçant ce fait. Dire qu’on a ridiculisé les étudiants qui ont dénoncé de telles dérives, comme l’Ilot voyageur à l’UQAM », s’insurge-t-il.
Il va jusqu’à accuser les recteurs de schizophrénie. « D’un côté, ils se plaignent d’être sous-financés et d’avoir besoin de plus de professeurs, pour avoir un ratio prof/ élève plus raisonnable. Mais de l’autre, ils approuvent la construction ou la rénovation de nombreux édifices, souvent non nécessaires.» À l’Université Laval, entre 2009 et 2012, le ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport a investi 30 millions $ via le programme d’infrastructure du savoir, essentiellement des travaux de remises aux normes, disait-on à l’époque.
Une accessibilité conditionnelle
Par ailleurs, M. Seymour croit, à l’instar du philosophe John Rawls, que tous ont droit à l’éducation. « Chacun doit pouvoir développer ses talents pour obtenir un emploi, peu importe son statut socioéconomique. D’ailleurs, le salaire des parents est un gros indicateur de l’accessibilité aux études supérieures : au Québec, 18 % de ceux qui gagnent entre 25 000 et 50 000$ envoient leurs enfants à l’université, comparativement à 55 % pour ceux qui gagnent 100 000 $ et plus. »
Toutefois, même si c’était gratuit ( ce qu’il souhaite à long terme ), un contingentement serait à prévoir. «On donne une chance à tous, mais ils doivent la saisir. Ils doivent montrer leurs compétences afin de pouvoir continuer à étudier. »
Pour financer le tout, il propose une taxe spéciale aux entreprises. « Elles profitent toutes de la formation de cerveaux à bon marché. Les hommes d’affaires devraient donc payer leur part, les étudiants payant déjà assez », conclut-il.