Ce qui est bien avec nous, gens du Québec, c’est notre propension à nous investir à fond dans quelque chose. Si la population aime quelqu’un, celui-ci le saura et sera aimé jusqu’à sa mort et bien plus encore. Si vous vous trouvez sur la route de la haine québécoise, gare à vous par contre, car bien que votre présence sur les plateaux de télévision risque d’être répétée, les commentaires disgracieux, quant à eux, jailliront de partout. Le phénomène est tout aussi observable pour l’actualité, mais d’une façon un peu différente. Si la population est en accord avec un sujet, on le diffuse durant un certain temps, mais cela ne nourrit pas nécessairement l’opinion populaire d’une animosité certaine. On préfère plutôt ce à quoi on s’oppose, et ce, presque autant que la personnalité en Une du 7 jours. On donne à notre opinion une portée quasi divine en croyant qu’elle pourra changer le monde, que notre insurrection verbale fera tomber le gouvernement et que demain sera un jour nouveau, sans impôts, sans gaspillage, sans manifestations, sans pauvreté, sans gauchistes, sans capitalisme, sans rien quoi. Notre opinion se résume donc à ça, rien du tout, même si on la crie bien plus fort que les autres.
Si je fais ce constat, c’est qu’on la donne à outrance, notre opinion. Cela engendre alors une désuétude de ce pouvoir d’expression qui, rappelons-le, ne nous était pas donné il y a de cela quelques années. Aujourd’hui, on publie ce qui nous passe par la tête sur les médias sociaux, on envoie des courriels aux téléjournaux, on appelle à la radio et on s’injurie ouvertement dans les journaux. Et sous quel prétexte déjà ? Ah oui, pour prouver qu’on a raison. Ce si bel outil défenseur de la démocratie en est aujourd’hui réduit à pourfendre l’idéologie de l’autre, à attirer les foules et à s’élever au-dessus de celui qui préfère ne pas la donner, son opinion. Résultat, on perd l’essence même de ce pour quoi on la clame si fort: faire valoir notre point de vue pour faire changer les choses. Nos mots se noient dans une mer de pollution idéologique générée par d’opiniâtres individus en quête d’attention. Et alors, se dissout le peu d’espoir que pouvait contenir l’ensemble des messages.
Quand vous vous arrêterez devant un texte comme celui-ci et que vous lirez l’opinion d’un seul homme, dites-vous que, malgré toute la crédibilité qu’il puisse avoir, qu’on l’aime ou non, il sera coulé au fond de cette marée noire de paroles, d’encre et d’idées.
Hubert Gaudreau