Un fort taux d’intimidation, de dépression et de suicide à l’adolescence touche les lesbiennes, gais, bisexuels, transsexuels et queers ( LGBTQ ) selon une étude du sociologue de la sexualité Michel Dorais.
Raphaël Létourneau
Pour cette étude, qui sera publiée en 2014, 259 jeunes LGBTQ du Québec âgés de 14 à 21 ans ont été questionnés en 2012. Elle démontre que la moitié des répondants de 13 à 17 ans ont vécu de la dépression causée par « des peurs reliées à l’acceptation de leur orientation sexuelle » alors que les trois quarts ont vécu de l’intimidation principalement en milieu scolaire. De plus, près du quart de ces jeunes ont fait au moins une tentative de suicide ce qui représente « vingt fois plus que la population du même âge ».
« Il reste beaucoup de travail à faire […] surtout à l’école où l’intimidation est très présente et dans une portion importance quoique minoritaire ( un peu moins du quart ) des familles. Cela place les jeunes de la diversité sexuelle dans une situation de grande vulnérabilité vers le milieu de leur adolescence, alors qu’ils n’ont guère accès à des ressources pouvant leur venir en aide, » en conclue Michel Dorais, sociologue de la sexualité et co-auteur de l’étude.
Selon Anne-Sophie Ruest-Paquette, présidente du Groupe gai de l’Université Laval ( GGUL ), cela s’explique, entre autres, par l’intégration des rôles de genre au début de l’adolescence
« Les rôles de genre c’est comme des prescriptions que l’on impose selon que l’on soit un garçon ou une fille. Quand il y a une perception de transgression de ces règles là, on va commencer à persécuter la personne […] Pour ne pas soi-même se faire accuser de contrevenir aux rôles de genre, on va hyperperformer le masculin ou hyperperformer le féminin et toujours se définir en relation au masculin et au féminin, en opposition aux personnes qui transgressent les rôles de genre. C’est une problématique qui est très présente à l’école et qui n’affecte pas seulement les élèves LGBT, mais également les personnes hétérosexuelles qui sont perçues comme LGBT », explique Anne-Sophie Ruest-Paquette.
Selon elle, le personnel scolaire, pour la plupart, n’intervient pas ou intervient « de façon maladroite » envers ce type d’harcèlement par manque d’outils. Ainsi, l’école devient un environnement insécurisant qui crée des problèmes à moyen et à long terme. « Au niveau de leur construction identitaire, au niveau de leur bien être mental, physique, de la réussite scolaire, de leur ascension sociale et professionnelle, parce qu’ils vont
intérioriser cette violence qui peut avoir une incidence sur l’ensemble de leur vie ».
La campagne de sensibilisation du gouvernement du Québec trouve un écho positif chez Michel Dorais.
« Nous avons bien besoin de campagnes sur l’inclusion de la diversité sexuelle et contre l’homophobie. Celle qui se déroule actuellement l’a déjà prouvé, par certaines réactions offusquées ou scandalisées qu’elle a suscité », affirme le sociologue.
Pour la présidente du GGUL, « la campagne est nécessaire pour permettre aux personnes de se positionner ouvertement et pour nous permettre de savoir comment il faut entrer en relation avec elles afin de les accompagner vers une ouverture à la diversité sexuelle et de genre. »
Enfin, Anne-Sophie Ruest-Paquette favorise « des actions sur plusieurs plans de manière simultanée », mais surtout l’action individuel. « La société est à l’image de qui nous sommes. Si comme personne on s’investit dans des rapports sociaux sains, équitables, ouverts et fondés sur la communication, l’empathie et la solidarité, il y aura des changements à grande échelle. Chaque personne à une influence dans son environnement que ce soit dans sa famille, chez ses amis, dans sa salle de classe, dans son milieu professionnel. Nous sommes tous des agents
de changement ».