Saint-Obama, priez pour nous

Aujourd’hui, l’investiture de Barack Hussein Obama est la dernière étape sur son éprouvant chemin de croix vers la présidence des États-Unis. On m’a assuré, de source sûre, que notre sauveur, dans sa magnanimité absolue, mettra fin aux guerres du monde. Les Kenyans ne connaîtront plus la faim et le racisme disparaîtra enfin dans les brumes du passé, en même temps que les autres horreurs du vingtième siècle.

La rumeur qui court voudrait que ses larmes soient le remède au cancer. Ma crédulité en est distendue à ses limites, mais bon, je vais lui laisser le bénéfice du doute. Après tout, c’est le Messie, non?

Tout comme des millions, sinon des milliards d’individus sur la planète, j’ai emboîté le pas et fait mien le culte de la personnalité d’Obama. Dans l’enthousiasme général qui a immédiatement suivi l’annonce de sa victoire, j’ai osé croire qu’il serait probablement un des présidents américains les plus bienfaisants des dernières décennies.

Peu importe que sa vision des choses, dite «de gauche» chez nos voisins du sud, soit significativement plus à droite que celle de Stephen Harper. D’ailleurs, on tentera d’ignorer que les conditions prévalentes aux États-Unis ne sont pas très propices aux changements d’envergure qu’il a proposés.

Surtout, personne ne se formalisera des individus sur qui Obama a jeté son dévolu pour les faire accéder aux plus hauts postes de la fonction publique. Certaines nominations font déjà sourciller les plus raisonnables des démocrates. Tom Perrelli, par exemple, a hérité du troisième poste d’importance au Département de la justice. Cet avocat est pourtant connu pour avoir directement travaillé pour une organisation de lobbyisme, le RIAA. Il a représenté l’industrie de la musique dans une campagne de poursuites démesurées et d’extorsion contre des individus soupçonnés d’avoir téléchargé de la musique. Certaines victimes notoires de cette campagne sont des enfants de moins de 10 ans, des personnes âgées qui ne savent même pas ce qu’est un ordinateur, des sans-abris et même une personne décédée. Vous comprendrez donc que la communauté démocrate crie donc au conflit d’intérêt.

Et il ne faut pas oublier qu’Obama est un de ceux qui ont voté en faveur du projet de loi H.R. 6304, qui assure une immunité rétroactive aux compagnies de télécommunications qui ont permis à Bush d’espionner les appels de ses propres citoyens, sans mandat, sous le couvert de la guerre au terrorisme. Cette mesure fut d’ailleurs unanimement déclarée inconstitutionnelle par les spécialistes de la question.

Pendant ce temps, les fans dévoués du futur président affichent posters, autocollants et macarons à l’effigie de leur idole. Bien peu s’informent suffisamment de la politique fédérale américaine pour réaliser qu’en réalité, les mesures entreprises par Barack Obama ne diffèrent que vaguement de celles de Bush.

J’ai donc un message à vous faire, ô fervents admirateurs. Ouvrez-vous les yeux : je vous présente le nouveau patron – le même que l’ancien. Il est noir, c’est déjà ça de gagné.

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