Voir, écouter, prononcer, tracer : l’exposition pata… graphies de Nataliya Petkova à la Galerie des arts visuels de l’Université Laval présente moult essais de communication entre divers matériaux et médiums.
Jeanne Couture
Diplômée du deuxième cycle en arts visuels à l’Université Laval en 2011, Nataliya Petkova fait intervenir une multitude de moyens, d’objets et d’instruments inventés lui permettant d’explorer le territoire sonore de ses performances.
Pata… graphies réfère à la pataphysique qui se définit comme une « science des solutions imaginaires » où rien n’est certitude et vérité. Avec ce projet dont l’appartenance au courant Dada est bien assumée, l’artiste veut produire un langage universel, composé de sons et de lettres ; la base d’un dialogue sans frontière.
Elle présente en galerie deux nouvelles pièces qu’elle dissèque jusqu’à épuisement de la matière : La mariée mise à nu par le binaire même et La mariée mise à nu par les pixels même. Ici, Petkova décortique le médium jusqu’à l’infiniment petit. Le tout est déclenché par une performance, un geste simple dont la trace est exploitée à son maximum pour produire une série d’œuvres-documents qui font état du geste performatif.
L’artiste se met en scène en présentant une vidéo dans laquelle la peau de son visage est marquée d’empreintes éphémères laissées par le port d’une cagoule. Ces réseaux de lignes forment des tracés intimes qui se dissolvent dans un livre de 300 pages dont le contenu est une traduction textuelle de la vibration des pixels composant l’enregistrement. Ces cartographies sonores sont rendues visibles par la loupe de lecture qui accompagne cette pièce particulièrement intéressante, jouant avec l’effet de surprise et de découverte du spectateur.
La deuxième œuvre décompose une performance réalisée in situ : la démolition de trois volumes de plâtre. Cette fois, c’est une fascinante et inquiétante « machine de traduction territoriale » qui fait la lecture des fragments. À la manière d’un gramophone, les influx électriques de la relique sont reproduits par une prothèse buccale. L’appareil, à cheval entre l’instrument chirurgical désuet et la prothèse d’un film de Kubrick, impose des mouvements faciaux grotesques, rendant la prononciation impossible.
Bref, Nataliya Petkova opère une suite de traductions de sens et de formes dont le moteur est le jeu des transmutations. L’exposition est présentée jusqu’au 5 mai.