Ramener des espèces disparues à la vie … Certains chercheurs en rêvaient, ce n’est désormais plus un fantasme : c’est un processus technologique de renaissance qu’on appelle la « dé-extinction ». Le futur pourrait alors se créer sur des vestiges du passé.
Elise Magnin
Notre espèce a joué un rôle dans l’extinction de nombreuses autres. Mais maintenant, certains scientifiques proposent une solution radicale : ramener ces espèces disparues d’entre les morts grâce, notamment, au clonage. Cette science du renouveau des espèces, la « dé-extinction », a fait l’objet d’une conférence tenue le 15 mars dernier, au siège du National Geographic à Washington, et dirigée par des membres du groupe
« Revive & Restore ».
Revive & Restore
Revive & Restore travaille en collaboration avec des scientifiques du monde entier, spécialistes de la dé-extinction, pour construire une liste d’espèces potentiellement « ressuscitables ». La sélection s’est faite sur trois critères basés sur la biologie de la conservation et la biologie moléculaire : l’espèce a-t-elle manqué ? Quelles seraient les difficultés technologiques d’une renaissance ? Et enfin, la facilité de réintroduction de l’espèce dans la vie sauvage. Dans la liste établie figurent entre autres le mammouth, le tigre de Tasmanie et le dodo.
Méthode
C’est grâce à la génétique que l’on pourrait voir revenir ces espèces éteintes. Trois méthodes ont été proposées. La première, le clonage ; une sorte de Jurassic Park, sans Jurassic, avec des mammouths à la place des dinosaures. Plus sérieusement, sachant que les dinosaures ont disparu il y a 65 millions d’années et que l’ADN se dégrade de moitié tous les 521 ans, il est donc mathématiquement ( et donc biologiquement ) impossible de reconstituer leur génome ( mais ça vous le saviez déjà, car je suis sûre que vous aviez déjà fait le calcul mental avant la conclusion de la phrase ! ). Les espèces que les scientifiques peuvent donc espérer faire revenir sont celles rayées de la surface de la Terre au cours des 100 000 dernières années et qui ont laissé une partie d’elles-mêmes – des cellules intactes, par exemple – contenant leur ADN afin de retrouver leur génome. Les derniers représentants des mammouths ayant disparu il y a « seulement » 35 000 ans, il serait donc théoriquement possible de les cloner à l’aide d’une mère porteuse éléphante.
Une deuxième technique du génie génétique consiste à séquencer le génome d’un animal éteint et à insérer les morceaux d’ADN qui font sa spécificité dans le génome d’une espèce cousine toujours vivante.
Quant à la troisième approche, elle ne fonctionne que si l’espèce disparue a laissé derrière elle une ou des espèces « filles ». Dans ce cas, on utilise des méthodes d’élevage traditionnelles, par croisement d’individus exprimant le plus les caractéristiques physiques de l’ancêtre. Il est vérifié, au fur et à mesure des croisements, que le génome des individus obtenu se rapproche ou non du génome souhaité.
Et après ?
La thématique de la dé-extinction prend un tour excitant qui pourrait devenir effrayant avec les possibilités réelles qu’offre la science actuelle. D’où un certain nombre d’interrogations sur son intérêt, sur les avantages et les inconvénients qu’il y aurait à voir resurgir des espèces du passé.
Les scientifiques parlent de justice. Pour Mike Archer, biologiste de l’évolution, ce serait un devoir de « restaurer l’équilibre de la nature que nous avons bouleversé ». Ce projet de réintroduire de la biodiversité ancienne pourrait constituer un bénéfice pour les environnements menacés ou appauvris.
D’un autre côté, ces anciennes espèces pourraient devenir invasives et mettre en péril d’autres espèces fragiles dans l’environnement actuel. Certaines personnes disent même que les chercheurs se prennent pour Dieu. Ce à quoi Mike Archer répond : « Je pense que nous avons déjà joué à Dieu quand nous avons exterminé ces animaux ».
Mais une question subsiste : que vont devenir ces animaux nouvellement créés ? Le succès d’une réinsertion dans la vie sauvage n’est aucunement garanti. L’habitat de certaines de ces espèces n’existe plus et serait bien difficile à reproduire, par exemple celui des mammouths : « Essayer de reproduire l’ère glaciaire n’a pas beaucoup de sens alors que notre espèce dirige la planète vers un effet de serre », déclare, via son blogue, le paléontologue Brian Switek.
Pour le moment, la dé-extinction demeure un rêve, mais qui n’est peut-être pas si invraisemblable. Il est alors important de se demander quelles en sont les limites. Et ce, surtout parce qu’une dernière espèce dont le génome a été très bien séquencé pourrait avoir sa place sur la liste des disparus « ressuscitables » : l’homme de Neandertal. Imaginez alors les innombrables problèmes éthiques que ce projet susciterait …