30 ans pour le Festival de la chanson de Tadoussac, qui s’étale cette année du jeudi 13 juin au dimanche 16 juin 2013. Tour d’horizon de ce premier jour, un jeudi, ce qui ne signifie pas forcément que le marathon musical de la fin de semaine n’est pas commencé.
Cyril Schreiber
C’est le Belge Jofroi qui a eu l’honneur d’inaugurer cette 30ième édition avec sa première partie à la scène Desjardins, c’est-à-dire l’église du village, peu après 19h30. Accompagné de la pianiste Lyne Adam, qui tâtait aussi de la flûte traversière, Jofroi n’a chanté que quatre chansons, pour un spectacle de 20 minutes seulement. Un trop bref aperçu de son vaste répertoire et de sa poésie, émaillée cependant de quelques blancs de mémoire et d’un mode d’expression surprenant, celui du micro sans fil, un élément qu’on ne voit plus vraiment dans la chanson actuelle.
Celle que tout le monde attendait, c’était la grande dame de la chanson française Anne Sylvestre, qui a écrit plus de 600 chansons, dont quelques classiques. Sylvestre avait manqué Tadoussac l’année dernière à cause de problèmes de santé, mais pas question que ça se reproduise cette année – c’est dire si cette visite était attendue.
Accompagnée de trois musiciennes au piano (Nathalie Miravette), au violoncelle (Isabelle Vuarnesson) et aux clarinettes (Chloé Hammond), un excellent trio qui servait bien les mots d’Anne Sylvestre, cette dernière a présenté au public québécois son nouveau spectacle, Juste une femme, axé sur la féminité et composée de titres plus récents et évidemment de classiques. Question textes et musiques, rien à redire : les chansons de Sylvestre sont des joyaux ciselés, classiques mais efficaces, dont on devrait plus s’inspirer, et qui sont (toujours) trop méconnus, que ce soit du côté de l’humour ou de la tendresse. Or, question interprétation, la dame fait parfois son âge, même vénérable : voix chevrotante par moments, oublis de paroles, un peu de théâtralité désuète surtout en fin de chansons. On aurait voulu aussi jouir d’une meilleure sonorisation, la voix de Sylvestre étant parfois trop enterrée sous les instruments (ce n’est jamais facile dans une église). N’empêche, il y a là de quoi inspirer les jeunes plumes. Le public, lui, au bout du généreux concert de deux heures environ, aura été comblé par ce rendez-vous enfin arrivé.
Direction ensuite le Café Gibard où la chanteuse française Mell, qui visite fréquemment le Québec depuis quelques années (neuvième fois, troisième festival de Tadoussac), chantait à 21h30 mais aussi 22h30. Installée dans un coin du café-bar, armée uniquement de sa guitare électrique, de sa batterie, de ses loopings et de ses pédales, Mell n’a pas lésiné devant une petite foule plus calme que celui de la première représentation, paraît-il, y allant de ses airs rock/rockabilly, n’hésitant pas à monter sur une table pour amorcer Yeah yeah yeah ouh ouh, jouer de sa guitare avec sa langue ou, plus surprenant, reprendre, à sa sauce, Christophe avec une certaine efficacité (Succès fou). Toute seule mais sonnant comme plusieurs, Mell fait une chanson trash, un peu sale mais terriblement libératrice, salvatrice, notamment dans ses solos. Toute cette attitude rock n’a heureusement pas entamé le principal, la qualité de sa musique. Pas mal pour cette prestation d’un peu moins d’une heure dans des conditions pas faciles, même si la musique de Mell était toute désignée pour l’étroit café-bar Gibard.