Avec son projet de charte des valeurs québécoises dévoilé durant l’été, le parti Québécois semble avoir soulevé une certaine inquiétude au sein de la population.
Une charte qui reste à découvrir
Selon Christian Bizier, membre du comité du Parti Québécois à l’Université Laval, la charte n’étant pas encore dévoilée, elle reste encore un sujet à débattre dans la société. Les premiers échos du Parlement à ce sujet, toujours selon Monsieur Bizier, sont selon lui des mesures de base dans l’atteinte de la laïcité.
« Ce qui a filtré dans les médias et qui aurait pu être teinté par ceux qui ont transmis l’information est que la charte veut empêcher le port de signes religieux visibles par l’État. Il reste à voir, selon les dispositions de la charte, si on applique cette mesure à tous les employés de l’État ou pas ».
Bien que ces informations n’aient pas été confirmées ou infirmées par la Première ministre ni par le ministre Drainville, qui pourrait probablement se retrouver à piloter ce dossier, le projet de charte risque d’entrer assez rapidement dans l’arène du débat public. Avec la rentrée parlementaire qui s’approcherait du 9 septembre, on pourrait assez rapidement en savoir beaucoup plus sur les tenants et aboutissants de la charte.
Un projet qui inspire des craintes
Contacté par les réseaux sociaux et ayant déja eu plusieurs discussions avec plusieurs membres de la communauté musulmane, Rafik Benmoussa ,étudiant en économique d’origine algérienne, résume très brièvement les majeures craintes qui ressortent de la communauté qui sera sans aucun doute visée par les mesures de la charte. « Je pense que la communauté musulmane comprend bien les réelles raisons qui animent le projet péquiste de proposer une charte de valeurs l’automne prochain : la réaffirmation d’une identité québécoise. Ce qui inquiète, c’est cette vague idée de vouloir réencadrer avec de nouvelles limites la visibilité d’une partie de l’identité de cette communauté, elle qui vit pourtant déjà en total respect de la constitution et du code civil ».
Sans se lancer dans un débat constitutionnel, les craintes qui ressortent du discours de monsieur Benmoussa ne sont pas sans miroirs dans l’espace public. La possibilité de l’existence d’une telle charte fait fuser des réactions tant au fédéral que dans les autres provinces. On clame l’intolérance, on dénonce le renfermement. Selon notre interviewé principal, le problème ne se résume pas à l’intolérance.
« Je pense que le principal risque de l’émission d’une telle charte serait la formulation d’une identité québécoise à la négative, C’est-à-dire, de définir » l’identité québécoise » en réaction à celles de communautés pourtant établies au Québec depuis un moment déjà. Le risque, ici, est d’inévitablement ne se concentrer que sur les différences identitaires en ne mettant jamais en évidence leurs points en commun. C’est donc une approche maladroite qui risque fortement de stigmatiser une partie de la population tout en généralisant des cas isolés d’accommodements raisonnables dit » déraisonnables « . Si la prévision de Monsieur Benmoussa s’avère exacte, le parti Québécois, par son projet, risquerait encore une fois de se séparer de la base électorale allophone, qui n’est pas acquise et ce depuis longtemps.
Un projet nécessaire, selon plusieurs
Comme l’a fait remarquer le professeur du département de science politique Guy Laforest dans une entrevue récente avec la journaliste Katia Gagnon de La Presse ; « Des trois recommandations principales du rapport Bouchard-Taylor, aucune n’a été appliquée ». C’est donc sous un angle d’attaque identitaire et basé sur les travaux de la commission qui siégea en 2007-2008 que le Parti Québécois va tenter de réparer les » cinq ans d’inaction » du Parti Libéral du Québec, toujours selon monsieur Laforest.
Comme l’avait expliqué Christian Bizier lors de notre rencontre, le rapport produit par Charles Taylor et Gérard Bouchard recommandait de placer des balises juridiques à la présence de symboles religieux ostentatoires au sein des employés de l’État. Il exprimait aussi la volonté de mener un débat sociétal posé et peut-être même de pousser dans plus de domaines étatiques le bannissement des symboles visibles puisque selon lui, « La personne qui travaille dans la fonction publique en portant un signe religieux, c’est une manière de dire que les principes de sa religion sont plus importants que les principes de l’État ». La charte va selon lui contribuer à régler ce problème.
Je vous invite à continuer la discussion dans les commentaires au bas de cet article.