La semaine dernière, la Roumanie est devenue le 10e membre de l’Union européenne à légaliser l’usage de la marijuana à des fins médicales. Ce faisant, le pays se conforme à la tendance mondiale à l’assouplissement des règlements envers les consommateurs de cette drogue douce. Aux États-Unis, plusieurs États songent à imiter le Colorado et Washington, qui ont légalisé le cannabis. Est-ce bientôt la fin de la « lutte contre la drogue » internationale des années 1990 ?
Réunis en sommet à Moscou en septembre, les pays membres du G20 ont convenu de mettre leurs efforts en commun pour le partage des données fiscales, afin de lutter contre les paradis fiscaux. Un « rare consensus » entre les pays les plus puissants du monde qui a été comparé par le quotidien français Le Monde aux ententes sur la lutte contre la drogue des années 1990. Alors que les politiques d’austérité sont en vogue dans un environnement international encore traumatisé par la récente crise financière, l’heure est désormais à la coopération en ce qui peut rapporter de l’argent aux États – et non à ce qui peut engendrer de nouvelles dépenses. Au même moment, la société civile de nombreux pays pousse ses dirigeants à la décriminalisation ou la légalisation des drogues douces. Est-ce que des raisons économiques pourraient bientôt pousser à la légalisation de la marijuana ?
Les États-Unis sont engagés depuis les années 1970 dans une coûteuse « guerre de la drogue ». Le thème de la lutte contre le trafic de marijuana a d’ailleurs été identifié comme « priorité nationale » par le président Nixon, au point où le pays s’engage dans de nombreuses opérations au Mexique, en Colombie et ailleurs en Amérique du Sud. Toutefois, ces sommes destinées au renforcement de la répression policière n’ont pas permis de réduire la consommation de drogue aux États-Unis, qui est demeurée stable les 25 dernières années, selon les données compilées par l’ONG Washington Office on Latin America. À l’heure où le gouvernement américain doit plus que jamais se serrer la ceinture, dans un contexte où chaque budget doit être âprement négocié face au refus du Parti républicain d’augmenter le plafond de la dette, mettre fin à la prohibition semble devenir un choix économiquement viable. D’autant plus que l’entrée de la drogue sur le marché licite permet d’engendrer des revenus fiscaux en plus de diminuer le poids du crime organisé dans son trafic.
Les Pays-Bas pratiquent depuis des années le « Gedoogbeleid », politique de tolérance incitant les forces de l’ordre à ne pas mettre en œuvre les lois interdisant le cannabis. Malgré l’interdiction toujours en vigueur, notamment pour se conformer à ses engagements internationaux, la drogue est de facto légale. Au plus fort de la crise européenne, il semble que cette libéralisation permet d’inspirer des États à mettre fin à leurs coûteux programmes de lutte contre la drogue. En Espagne, par exemple, la consommation de marijuana dans un lieu privé a été légalisée en 2006, et des « Cannabis clubs », cafés où l’on peut fumer un joint, ont fait leur apparition. Le Portugal va encore plus loin : toutes les drogues ont été décriminalisées, et leurs usagers sont désormais traités comme des patients et non comme des criminels.
Voilà peut-être des exemples qui ont poussé le Colorado et l’État de Washington, en novembre dernier, à devenir les premiers États à légaliser les petites quantités de cannabis aux fins récréatives (moins de 28g). Du nombre d’États où la marijuana est décriminalisée (24), 18 permettent son usage médical. Dans un pays où près de la moitié des personnes incarcérées le sont pour des infractions liées à la drogue, le milieu des affaires semble de plus en plus en faveur d’une légalisation complète. La prestigieuse revue The Economist a d’ailleurs lancé un débat sur son site Web cette fin de semaine, où plusieurs personnalités bien en vue du milieu des affaires s’y sont dites favorables. Reste maintenant à savoir quels États – ou pays – emboîteront le pas au Colorado et à l’État de Washington pour une légalisation complète.