C’est devant la Commission des affaires sociales, formée des députés des trois partis politiques impliqués dans les dossiers sociaux, que Mme Dugas a présenté son mémoire en octobre dernier. «On a eu une réaction très positive, cela est encourageant», dit-elle.
Depuis cinq ans, Chantale Dugas travaille pour la maison Lauberivière, situé au 401, rue Saint-Paul. À lui seul, cet organisme offre un centre d’hébergement pour hommes et femmes à court et moyen terme, une cafétéria où des repas sont servis à tous les jours un service de réinsertion sociale offrant l’accès à l’éducation. En lien avec le centre Louis-Jolliet, Lauberivière offre des logements assistés, un service d’écoute, d’évaluation et de renseignements, des travailleurs sociaux, un centre de «dégrisement» pour les personnes aux prises avec des problèmes de drogues et des groupes d’entraide. D’autres services y sont aussi disponibles.
Plusieurs remises en question
Devant le conseil de l’Assemblée, Mme Dugas a révélé les choses telles qu’elles le sont, sans rien cacher. Devant le problème de l’itinérance, toujours grandissant pour la grande Capitale Nationale depuis la crise du logement de 1996, son but était de faire avancer les choses à tous les niveaux, tant pour son organisme que pour la société québécoise.
Elle a reproché au gouvernement de remettre l’enveloppe complète des subventions à un seul organisme, qui doit par la suite s’occuper de redistribuer l’argent à tous les autres centres. «Le gouvernement a décidé que ce serait le centre de réadaptation Ubald-Villeneuve qui donnerait les subventions; or, c’est une institution qui n’offre qu’un service de thérapies contre l’alcoolisme, la toxicomanie et les problèmes de jeu. Elle ne sait pas ce qui se passe sur le terrain. Mais comme elle me finance, je dois me plier à ses exigences», affirme-t-elle.
Mme Dugas a également présenté une politique sur l’itinérance. «La nouvelle politique sur l’exclusion sociale impliquerait tous les ministères et ne serait plus seulement l’affaire du ministère de la Santé et des Services sociaux et de celui de l’Emploi et de la Solidarité sociale», assure-t-elle. Cela sous-entend qu’il y aurait une cohérence dans les actions prises par le Parlement, comme pour le ministère de la Justice qui émet nombre de contraventions aux sans-abris, sans que cela ne mène à rien. «40% de mes abonnés sont judiciarisés, et ça ne règle pas le problème. C’est l’affaire du ministère qui devrait revoir son plan d’action», explique la directrice de Lauberivière.
Des logements sociaux supervisés
En plus de vouloir réformer la politique sur l’itinérance, Mme Dugas et son équipe proposent que l’on s’engage à garantir une stabilité et une intervention médicale au nombre important de personnes vivant dans le besoin. À cet effet, elle propose que l’on construise des logements sociaux supervisés et payés entièrement par le gouvernement. Elle se base sur une recherche effectuée par Karina Côté, professionnelle de recherche du Département de psychologie de l’Université Laval qui, à la demande d’Hugo Lépine, ancien directeur de Lauberivière, a accepté de mener la recherche. Mme Côté a repris un procédé de recherche qui avait déjà bien fonctionné à Vancouver. «J’ai utilisé deux échantillons : le premier était constitué de gens qui avaient un mode de vie itinérant, le deuxième, de gens qui avaient eu un mode de vie itinérant dans le passé, et qui étaient en loyer stable depuis au moins 12 mois. Le but étant de comparer l’utilisation des services publics entre les deux groupes, afin d’en quantifier le coût social.»
«Ce qui est révélateur, c’est que dans le premier échantillon, les frais judiciaires, qui comprennent les amendes non-payées et les incarcérations, représentent 40% des frais pour la société, qui sont de 27 000 $ en moyenne par individu. Si on soustrait ces frais d’incarcération, reste que le deuxième groupe est encore moins coûteux, pour lequel le coût social par individu s’élève en moyenne à 12 000 $», fait-elle remarquer.
Selon Mme Dugas, ce qui empêcherait le gouvernement de prendre de sérieuses mesures pour contrer le problème de l’exclusion sociale ne serait qu’une question de priorité et d’argent, car la pauvreté n’en est jamais une. Pourtant, elle affirme que «les politiciens et les gens sur le terrain ont de la bonne volonté. C’est entre les deux que ça ne bouge pas, chez les fonctionnaires qui refusent de voir l’itinérance comme un problème existant à Québec, et cela nous fait sortir hors de nos gonds.»