Crise économique, récession, pertes d’emplois, pénurie de main-d’oeuvre et prix du pétrole font la manchette depuis plusieurs mois. L’économie est présentée comme un monstre qui ruine des vies. L’avenir semble être devenu une quête où le salut passe par un redressement de la demande et une reprise du marché de l’emploi.
La jeune génération amorce sa marche dans le 21e siècle avec l’impression que tout est noir. Aveuglée par les principes d’une société industrielle qui s’éteint, le monde lui est présenté comme étant morose et difficile, comme un nouveau purgatoire pour le travailleur qui doit faire face au stress et à la performance. Sur les épaules du pauvre homme repose le poids de l’équilibre économique. Rapporter le pain ne suffit plus. Le travailleur doit supporter la construction en achetant une maison et en rénovant. Il doit soutenir le commerce en achetant une télévision à écran plasma et un iPhone. L’individu est ramené à l’échelle de consommateur rationnel et les modèles sont construits en fonction du citoyen responsable qui construit l’avenir en achetant.
La vision du monde présentée à l’individu est foncièrement négative. L’addition de la pollution, de la surconsommation, de la famine et des emplois précaires semble amener l’homme à vivre au bord du gouffre. Avec les années, les arrêts de travail pour cause de dépression prennent de l’ampleur et les gens trop pressés mangent mal et font peu d’activité physique. Le paradoxe semble incroyable. Alors que la durée de la semaine de travail est plus allégée que jamais et que le revenu disponible par habitant a atteint un sommet historique, l’homme ne trouve pas le temps et les moyens de profiter sainement de sa vie. Trouver du travail, un logis et acheter les biens nécessaires pour faire vivre son foyer sont des impératifs immémoriaux propres aux besoins primaires. Notre société a pourtant dépassé ce stade depuis longtemps. Par contre, le bonheur ne semble pas suivre.
Les messages d’espoir commencent à retentir comme si le monde était détruit et devait être reconstruit. Pourtant, nos supermarchés regorgent de produits exotiques provenant de partout dans le monde, nos objets technologiques nous permettent des divertissements époustouflants à même notre salon. Voyager partout dans le monde est largement accessible et jamais une génération n’aura eu un accès aussi libre aux études supérieures. Le mal du siècle serait-il que les gens ne sont pas conscients de ce qu’ils ont à la portée de la main? La consommation et le travail sont présentés comme un devoir social, une nécessité au bon déroulement des choses. L’individualisme moderne est-il une illusion? La pression sociale pour faire du consommateur un élément de conformité et un acheteur régulateur de l’économie, ferait plutôt de l’homo economicus un individu socialement engagé, dévoué à faire fonctionner les rouages sociaux par son comportement raisonnable.
La société fait peser une double culpabilité sur les présentes générations. D’un côté, on leur incombe les maux de la terre telle la pollution engendrée par la surconsommation mais, en même temps, les citoyens sont accusés de diminuer leurs achats et ainsi causer du tort à l’économie. La culpabilité comme lot quotidien étouffe l’individu, le rendant incapable de profiter de son confort.