L’itinérance est une réalité dans une société comme la nôtre où les gens sont libres de faire ce qui leur plaît. S’ils décident de décrocher du système, il s’agit là de leur choix personnel, rien ne pourra les en dissuader. Pourtant, malgré ce que la population croit en général, l’itinérance est une descente et non une fatalité: une descente habituellement liée à une rupture dans la vie de la personne concernée. Qu’il s’agisse d’une rupture amoureuse, professionnelle ou personnelle, chacun réagit à sa façon. «N’importe quelle personne en situation de grande vulnérabilité, si elle n’a pas de réseau ou de soutien adéquat, peut à un moment ou àun autre, se retrouver à la rue», mentionne Nathalie Brisseau, du Regroupement pour les itinérants et itinérantes de Québec (RAIIC). En 2003, plus de 16 000 personnes de la capitale avaient utilisé les différents services et organismes reliés au RAIIC.
La plupart des sans-abris ne sont pas ceux que nous apercevons quémander dans la rue; ils tentent plutôt de passer inaperçus. La majorité des femmes itinérantes sont celles que nous remarquons le moins. Elles réussissent à trouver des vêtements dits «ordinaires» dans des friperies et se créent, au fil du temps, un réseau social leur permettant de fréquenter
les refuges.
Refaire sa vie
Plusieurs ont déjà cherché des moyens pour redonner un cours normal à leur vie. Ceux qui sont organisés et très motivés peuvent s’en sortir mais ce n’est pas la majorité. Ils doivent avant tout voir la lumière au bout du tunnel, et être bien encadrés, sinon la rechute devient la seule solution. D’après le coordonnateur de la nuit des sans-abris, Yves Bergeron, pour plusieurs d’entre eux, l’itinérance devient un cercle vicieux : «Pour s’en sortir, ils doivent se reconstruire, ce qui est très difficile lorsque quelqu’un n’a pas de formation dans quoi que ce soit.» Les organismes communautaires sont tout de même présents pour les accompagner en thérapie ou les aider à se trouver un emploi grâce à certains programmes d’insertion. Comme l’explique Simon Fournier, intervenant au café rencontre du centre-ville, il ne s’agit pas d’une lutte impossible : «J’ai des amis qui étaient des itinérants, qui se trouvaient dans des centre de désintoxication et aujourd’hui, ils travaillent et ont un emploi fixe. Ça prend un changement radical.»
Subventions gouvernementales
La tenue annuelle de cette nuit offre aux organismes communautaires une certaine visibilité en attirant l’attention de la population, mais aussi de celle des gouvernements. L’argent attribué aux services sociaux provient majoritairement des subventions gouvernementales. En 2001, le gouvernement fédéral a mis en place un programme pour contrer l’itinérance. Cependant, le montant de 10,6 M$ octroyé n’a pas augmenté au fil des ans, ce qui constitue un problème d’une grande envergure selon M. Bergeron : «Les subventions ne sont plus réalistes avec l’économie d’aujourd’hui. Le coût de la vie augmente et les besoins des itinérants ne cessent de croître. Nous manquons de ressources pour réellement subvenir à leurs besoins». Nathalie Brisseaux note quant à elle qu’il faut qu’il y ait une politique d’investissement dans la lutte à la pauvreté et la défense des droits des personnes. À Québec, il y une insuffisance de financement en rapport à
l’itinérance».