Un programme solide derrière la désinformation

Utiliser le Tournant vert comme cheval de bataille pendant cette campagne est un choix dangereux. Son application fait place à l’incertitude, surtout quand le spectre de la récession plane dans un avenir rapproché. Les principales critiques conservatrices touchent le risque d’une surchauffe de l’inflation et de la baisse de l’investissement étranger. Ces critiques sont fondées, car le plan vert est essentiellement une taxe qui vise l’industrie. Par contre, au-delà des incertitudes, l’essence du projet est positive pour l’économie. Sa mise en oeuvre permettrait de dégraisser notre économie retardataire au point de vue de l’environnement et de la productivité.

La plupart des analystes politiques ont critiqué ce plan, car il est compliqué et risque d’être mal compris par les électeurs. Cette complexité tient du fait que ce plan touche à beaucoup d’aspects de la vie économique. Il est une plateforme presque complète en soi. La base du pari de Stéphane Dion est une taxe, certes. Mais les usages fait des revenus de cette taxe seraient multiples. Les libéraux veulent accoler un coût à la pollution et intégrer ce coût dans la mécanique de l’économie canadienne. La redistribution vise à améliorer la productivité, stimuler l’innovation et améliorer notre bilan énergétique et environnemental.

Contrairement à la publicité conservatrice montrant le professeur Dion coupant 100?$ d’allocation par enfant aux familles, le plan libéral propose de redonner 350$ en plus des allocations existantes. Cette aide n’est qu’une parmi plusieurs qui visent à aider les familles, les handicapés et les travailleurs à faible revenu. Ces prestations qui pourraient être de l’ordre de 3,7 G$ dans quatre ans, s’additionnent à des baisses d’impôts de 6,7 G$ et une aide de 789 M$ aux Canadiens vivant dans les régions rurales. Cet allègement fiscal ne serait pas fait au détriment d’un groupe de gens en particulier, mais résulterait de l’intégration de la pollution comme réalité économique. L’allègement fiscal a comme effet d’augmenter la productivité, car les travailleurs ont moins de contraintes financières à travailler plus. Le risque d’inflation reste réel, mais sera compensé en bonne partie par une redistribution de la richesse qui aura l’effet de ne pas nuire à la capacité de travailler des citoyens.

Un autre gros morceau de la manne de 15,3 G$ que représente une taxe de 40$ sur la tonne de carbone sera retourné directement aux sociétés. Une baisse du taux d’impositions des sociétés ainsi que des déductions pour les investissements verts aura pour effet de stimuler l’investissement dans son ensemble et de rendre l’industrie canadienne plus performante. L’innovation technologique, facteur clé de l’économie de demain, sera aussi stimulée par des remboursements partiels du crédit d’impôt pour la recherche scientifique. Le plan vert aurait pour effet d’épurer notre société des industries polluantes et de la rendre plus apte à compétitionner sur les marchés internationaux qui seront plus exigeants sur le plan environnemental au cours des prochaines décennies.

Une baisse de l’investissement étranger pourrait être envisageable avec une taxe sur le carbone. Il faut cependant prendre en considération que sans la contrainte, nos industries ne seront peut-être pas en mesure de faire face à certaines réalités. On peut penser au marché européen, qui impose depuis longtemps des contraintes sévères aux industries polluantes. Paris fait pression depuis un bon moment sur l’Union européenne afin qu’elle mette en place une taxe sur le carbone. Elle serait imposée sur les produits d’importation en provenance des pays peu actifs sur le plan environnemental. Il y a aussi notre principal partenaire économique, les États-Unis, où les deux candidats veulent s’attaquer aux changements climatiques par l’instauration d’un système de quotas. L’élection de Barak Obama pourrait même avoir des répercussions sur notre lucrative industrie des sables bitumineux. Le candidat démocrate supporterait une récente loi qui interdit au gouvernement fédéral d’acheter du carburant ayant un cycle d’émission de gaz à effets de serre supérieur à celui du pétrole conventionnel. Sans taxes contraignantes, l’industrie risque de ne pas s’adapter naturellement aux contraintes envisageables.

Les conservateurs ont fait de bons coups lors de leur mandat. Ils ont géré l’économie comme on doit le faire en période de prospérité, sois en réduisant la dette et restant rigoureux sur le plan budgétaire. Par contre, pour contrer la crise à venir, ils n’offrent qu’une diminution de la taxe sur le diesel, mesure qui passera inaperçue sur le plan économique. Le Tournant vert, n’est pas le programme idéal pour faire face à une crise, car il comporte des risques. Son application aurait dû être proposée en période de croissance, mais il reste le plan le plus ambitieux et garant d’avenir proposé par l’un des quatres grands partis nationaux.
 

Auteur / autrice

Consulter le magazine