Un sommet verrouillé

Il était attendu depuis longtemps, ce Sommet de la Francophonie. On ne savait pas trop à quoi s’attendre, mais on espérait de grandes décisions, de grandes déclarations. Sans l’affirmer trop fort, peut-être souhaitions-nous que Québec devienne synonyme de renouveau, comme la ville de Kyoto, par exemple. Ce dont on se souviendra après ces trois journées qualifiées de miraculeuses par le secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie, Abou Diouf? Rien. Parce que derrière des portes closes, savamment gardées par la GRC, rien n’est sorti, ou si peu. Impossible d’assister aux réunions, impossible de se déplacer en dehors de la salle de presse. Obtenir une information relevait de l’exploit. C’était peut-être ça, au fait, le miracle de Québec.

Seules les grosses machines de l’information ont eu la chance de mettre la main sur les principaux acteurs du Sommet. Même les équipes de journalistes des principaux quotidiens québécois semblaient parfois désorientées face devant l’étranglement de l’information. Vous croyez que la sécurité à l’extérieur était exceptionnelle? Vous n’étiez pas à l’intérieur. C’était presque qu’à souhaiter que le Sommet se déroule dehors. Alors on a parlé de quoi? De Sarkozy évidemment, des bonnes vieilles querelles Québec-Ottawa, des souverainistes frustrés ou déçus de perdre l’exclusivité de l’amour de la France pour la partager avec le fédéral. Alors qu’on s’attendait à parler du français, du développement du continent africain, d’environnement, c’est Jacques Parizeau et Pauline Marois qui ont fait la une des journaux. Faut le faire. Même Parizeau ne devait pas s’attendre à cela.

Encore une fois, les médias ont été blâmés de ce détournement. Sensationnalisme à tout prix. Pourquoi? Parce qu’il n’y avait rien d’autre à dire. Aucun point de presse des dirigeants, mis à part la conférence de presse finale, pas de communiqués émanant des réunions de travail. Seuls quelques présidents africains ont fait le détour par la salle de presse pour parler aux médias, principalement les médias européens.

Tout était caché, enfoui sous des dizaines de policiers et de gardes du corps. Paradoxal pour un pays hôte, qui se targue de la liberté de presse. D’autant plus paradoxal pour une organisation qui prétend lutter pour la démocratie et la circulation de l’information. L’apprentissage de la fin de semaine: on comprend un peu plus ce que doit représenter la pratique du journalisme dans les pays où la presse est muselée, dénigrée et fermement encadrée. Le Sommet aurait eu lieu au Congo que nous n’aurions pas fait la différence.

Mais au fond, que peut décider la Francophonie? Que peut-on décider lors d’un Sommet où les États-Unis, la Chine, l’Inde et le Brésil sont absents? L’Organisation internationale de la Francophonie ne devrait-elle pas se concentrer sur sa principale raison d’être, soit la langue? Mis à part le français, l’organisation n’a aucune cohésion culturelle, géographique, ni même politique. Au cours d’un sommet international et francophone, on s’est entendus sur la pertinence d’une rencontre internationale pour parler d’économie. Le téléphone n’aurait-il pas fait l’affaire? Les dirigeants ont ainsi pu esquiver la question des droits de l’homme, effleurer l’environnement et oublier de parler de la santé d’une langue qui perd toujours plus d’adeptes au profit de l’anglais. S’il y a eu un miracle à Québec, c’est qu’il n’y eut aucune manifestation d’altermondialistes en manque de sensations fortes.

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