En fin de session dernière, l’Université Laval a envoyé deux communications à ses étudiants : « Recommandations – Séjours aux États-Unis » et « Unis et engagés pour la liberté académique ». Ces messages, sans lien a priori, semblent prendre leur sens en opposition aux mesures américaines visant à réorienter la recherche universitaire. Est-il dangereux de traverser la plus longue frontière du monde?
Par Christophe Saillant, journaliste collaborateur
La frontière canadienne – américaine
En avril dernier, le gouvernement du Canada a mis à jour ses recommandations pour les voyageurs canadiens vers les États-Unis. Il faut s’attendre à un « examen minutieux aux ports d’entrée, y compris des appareils électroniques. » En effet, le site web de l’US Border Custom and Border Protection (CBP) mentionne que le pouvoir de contrôle de ses agents « inclut tous les dispositifs électroniques traversant les frontières de notre pays.».
Ces mesures pourraient avoir des conséquences sur les étudiant.es et professionnel.les académiques canadiens. En effet, la loi américaine autorise les agents frontaliers à saisir un dispositif électronique contenant des « données ou informations interdites ou soumises à des restrictions. ». Or, certaines « vérités » sont «protégées» par le gouvernement américain. Par exemple, la vérité du sexe biologique est promulguée en vertu de l’ordre exécutif Defending women from gender ideology extremism and restoring biological truth to the federal government. À cette fin, la Maison-Blanche a censuré certains articles publiés sur le site gouvernemental PSNET faisant mention de personnes trans. Il est donc possible qu’un ordinateur contenant des informations liées aux questions de genre soit confisqué par les gardes frontaliers américains.
Nous savons aussi depuis mars dernier que Washington songe à mettre en place de sévères restrictions de voyage sur 43 pays divisés en trois groupes d’intensité. Or, il se trouve présentement au Canada des étudiant.es en échange et des savant.es venant de partout dans le monde, dont certains ont la double nationalité. Si de telles mesures venaient à voir le jour, la traversée de la frontière canadienne-américaine deviendrait probablement très périlleuse pour les citoyen.nes de ces 43 pays résidant au Canada.
En cas de refus d’entrée aux États-Unis, le gouvernement canadien prévient que le voyageur peut être détenu par les autorités américaines avant expulsion du pays. L’incarcération peut être plutôt longue: en avril dernier, une Canadienne a été détenue par ICE pendant presque deux semaines après avoir tenté de traverser légalement la frontière américaine.
Mieux vaut prévenir que guérir
Les recommandations de l’Université Laval semblent s’inscrire dans une logique de prévention. Beaucoup d’entre elles ont trait aux fouilles d’appareils électroniques. Or, jusqu’à présent, il semble qu’aucun.e professeur.e ou chercheur.se canadien.ne n’ait été saisi.e ou n’ait été incarcéré.e en raison de transport d’informations considérées suspectes sur le plan idéologique. Par ailleurs, le mois dernier, l’ambassadeur américain au Canada, Pete Hoekstra, a insisté sur le fait que les fouilles électroniques demeurent des exceptions.
Outre le bien-être de ses membres, l’Université Laval cherche peut-être à prévenir des conséquences adverses à sa réputation : « Toutes ces mesures s’inscrivent dans la lignée du gouvernement canadien. Ce n’est pas la seule [université] à avoir émis des recommandations [de voyage], précise Abdolaye Anne, professeur titulaire de l’Université Laval en sciences de l’éducation. Les universités ont un devoir de diligence, on pourrait leur reprocher de ne pas avoir agit si la [situation aux frontières] dégénère. »
Crédits photo: Marc Boucher
Bibliographie :
The White House. (21 janvier 2025). Defending women from gender ideology extremism and restoring biological truth to the federal government. https://www.whitehouse.gov/presidential-actions/2025/01/defending-women-from-gender-ideology-extremism-and-restoring-biological-truth-to-the-federal-government/
(7 juin 2025). Les fouilles de cellulaires aux douanes sont des exceptions, dit l’ambassadeur américain. Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2170474/fouilles-cellulaire-douanes-canada-etats-unis
Dactylo. (21 septembre 2023). L’étendue de la fouille des cellulaires à la frontière. Dunton Rainville Avocats Et Notaires. https://www.duntonrainville.com/letendue-de-la-fouille-des-cellulaires-a-la-frontiere/
(16 juillet 2025). Conseils et avertissements pour les États-Unis. Voyage.gc.ca. https://voyage.gc.ca/destinations/etats-unis
Reporter, G. S. (18 avril 2025). I’m the Canadian who was detained by Ice for two weeks. It felt like I had been kidnapped. The Guardian. https://www.theguardian.com/us-news/2025/mar/19/canadian-detained-us-immigration-jasmine-mooney
(16 mars 2025) Les États-Unis réfléchissent à des restrictions de voyage pour 43 pays. https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/855871/etats-unis-reflechissent-restrictions-voyage-43-pays
US Customs and Border Protection. (5 juillet 2025). Fouilles aux frontières des dispositifs électroniques. https://www.cbp.gov/document/guidance/fouilles-aux-fronti-res-des-dispositifs-lectroniques