Au lendemain d’une vigile de solidarité remarquée

Au lendemain de la vigile de solidarité envers la communauté musulmane de Québec qu’elle a co-organisée, la professeure en anthropologie du Cégep Lévis-Lauzon, Annie Demers Caron, s’est entretenue avec Impact Campus afin d’aborder les actions concrètes à adopter dès maintenant.

Lundi soir, des milliers de personnes étaient attendues par le comité organisateur, formé d’une petite cellule ponctuelle qui s’est mise en place peu après l’annonce de l’attentat. Les espérances ont largement été dépassées, aux dires de l’enseignante, tant sur le plan des chiffres que d’un point de vue humain.

Selon Annie Demers Caron, l’élan de solidarité devra aller plus loin encore si l’on espère pouvoir apporter des changements bénéfiques pour la société.

« Il y a un tourbillon médiatique qui va durer quelques jours et ensuite, il ne faut pas que le cours normal des choses reprenne, explique-t-elle. Il y a des choses à changer, puis on le sait tous. Il faut maintenant qu’on écoute les personnes racisées du Québec qui disent depuis longtemps qu’elles subissent différentes formes de racisme. »

Des idées sur la table

Au quotidien, chacun d’entre nous peut changer des choses, même si elles sont minimes, selon la co-organisatrice. C’est de là qu’émane l’action collective. « On a tous un lieu, un espace où on peut faire une différence, note-t-elle. J’ai la chance de le faire dans le cadre de mon travail, mais d’autres l’ont aussi avec des amis, des voisins, des collègues de confession musulmane qui vivent des situations de racisme. »

Après la soirée émouvante de lundi, l’équipe chargée de son organisation a rappelé aux membres de la scène politique sur place qu’ils doivent agir. « On a interpellé directement les différents politiciens pour leur dire qu’au-delà des discours, il y a des actions concrètes à poser, puisqu’ils disposent de certains pouvoirs », poursuit Annie Demers Caron

Collectivement, le mot d’ordre doit être d’aller à la rencontre de l’autre culture, indique-t-elle. « Pour les Québécois et Québécoises qui ne sont pas racisées, c’est important d’aller vers les gens d’ici avec une autre confession, des personnes de tous les horizons. Il faut créer des ponts dans cet effort de lutte contre la violence et le racisme. »

Rassemblements sur le campus

D’abord et avant tout, Mme Demers Caron rappelle que les gens de Québec auront besoin de plus de rassemblements de ce genre dans les prochains jours. « On a ce besoin de se rassembler. On l’a vu hier, lance-t-elle. Ce sont tout plein d’individus qui se sont retrouvés et qui ne se connaissaient pas, mais qui se serraient dans leurs bras. C’était une ambiance de sérénité. »

En avant-midi mardi, ils étaient justement des centaines à s’être réunis au pavillon Paul-Comtois, logeant la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation (FSAA), afin d’honorer la mémoire du professeur Khaled Belkacemi.

Le doyen de la faculté, Jean-Claude Dufour, a notamment insisté sur le fait qu’il s’agissait d’un parfait moment « pour se serrer les coudes».

Bon nombre de personnes se sont également rejointes au pavillon Charles-De Koninck en fin d’après-midi le même jour, vers 16h, pour saluer les victimes et témoigner leur solidarité envers toute la communauté.

Photo: Élia Barbotin
Le rassemblement dans l’atrium du pavillon Charles-De Koninck. Photo: Élia Barbotin

De son côté, l’Association des étudiants musulmans de l’Université Laval (AÉMUL) tiendra un point de presse en fin de journée mardi vers 18h au pavillon Alphonse-Desjardins. Impact Campus y sera.

À propos du système d’éducation

Elle-même impliquée dans le milieu, Mme. Demers Caron admet que certains changements de philosophie peuvent être apportés en enseignement.

« Il nous faut une éducation qui soit vraiment critique, qui démasque les relations de pouvoir et d’inégalité, trop souvent invisibles aux yeux de la majorité », poursuit-elle.

En faisant le choix d’y prioriser l’apprentissage de certains enjeux face à d’autres, l’éducation peut facilement contribuer à la reproduction sociale, depuis le primaire, selon la professeure. « Quand on n’enseigne pas le racisme ou l’histoire coloniale du Canada, ça va loin tout ça en fait. L’éducation est une clé, mais pas n’importe laquelle. »

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