Photo : Jacques Boissinot / La Presse canadienne

Constitution du Québec [Dossier 1/2] – Le nouveau projet du Québec?

Le 9 octobre dernier, le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, présentait devant l’Assemblée nationale le projet de loi no 1 sur la constitution du Québec. Mais, que change concrètement cette constitution ? Voici le projet de loi résumé et démystifié.

 Par Elwin Antagana

 La « loi des lois »

Une constitution est considérée comme une « loi des lois ». Autrement-dit, toutes les lois doivent se conformer aux prérogatives spécifiées dans la loi constitutionnelle. En principe, cette dernière s’applique également aux lois déjà en place, notamment la loi constitutionnelle de 1867. En effet, celle-ci serait modifiée unilatéralement par la suppression du poste de lieutenant-gouverneur, remplacé par l’Officier du Québec, nommé par le premier ministre. Par conséquent, toute mention du lieutenant-gouverneur dans le Code civil ainsi que dans la Loi sur l’Assemblée nationale seraient modifiés en ce sens. Les neuf articles relatifs au système législatif du Québec seraient abrogés, tandis que la laïcité de l’État du Québec, sa tradition civiliste et son modèle d’intégration y seraient ajoutés.

 La nation québécoise, les droits collectifs et individuels des Québécois.es

La loi constitutionnelle définit de façon claire ce qu’est la nation québécoise selon le parti au pouvoir ainsi que ses droits collectifs inaliénables, notamment son attachement au territoire, à la laïcité et à la langue française. Elle définit également certains droits démocratiques tels que la protection des institutions judiciaires, exécutives et législatives ainsi que le respect des référendums populaires.

 Le projet de loi inclue à la constitution plusieurs articles de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne qui consacre le respect du droit à la vie de chacun, interdit toute discrimination basée sur l’ethnie, le genre ou les croyances religieuses et garantit un traitement équitable pour chacun.e devant le système judiciaire. Certains droits des femmes sont explicitement mentionnés. L’avortement (il en sera question dans un second article) et l’égalité entre les hommes et les femmes seraient désormais des droits assurés de façon constitutionnelle.

 La Loi constitutionnelle reconnaîtrait également aux Premiers Peuples le droit de développer leur culture. Le projet vise à légitimer l’État et à définir ses caractéristiques et ses fonctions. L’État, laïque et francophone, est décrit ici comme protecteur du patrimoine commun de la nation et de sa souveraineté culturelle et unique administrateur du territoire québécois.

 Le texte renforcerait largement le pouvoir des parlementaires québécois.es en réaffirmant à plusieurs reprises la souveraineté parlementaire, notamment face au pouvoir judiciaire. Le projet de loi constitutionnelle prévoit que le Parlement pourrait inclure une disposition de souveraineté parlementaire en réponse à une décision judiciaire pour toutes les lois votées. Une fois cette disposition appliquée, alors aucun contrôle judiciaire fondé sur une liberté ou un droit affecté par ladite loi ne pourrait être jugée inopérante par un contrôle judiciaire. De plus, il serait interdit pour un organisme d’utiliser des fonds publics pour contester une décision parlementaire.

 Le document renforce également l’autonomie du Québec devant Ottawa en affirmant que ni le Sénat ni la Chambre des Communes, ni le gouvernement fédéral ne pourraient remettre en question l’autorité. Il en irait de même pour la légitimité ou la souveraineté du parlement québécois, qui exercerait seul les fonctions législatives, les délibérations et le contrôle de l’action gouvernementale.

 Afin de veiller au respect de la constitution de l’État par les parlementaires, un Conseil constitutionnel composé de six membres sera nommé par l’Assemblée nationale. En principe, ce conseil sera chargé d’émettre des avis écrits aux parlementaires sur l’interprétation de la constitution à la demande des parlementaires québécois. Ces avis pourraient également concerner, au besoin, une initiative fédérale qui impacterait les droits collectifs des Québécois tels que définis par la constitution.

 Le Canada et les affaires extérieures

Le projet consacre la doctrine Guérin-Lajoie de 1965 selon laquelle le gouvernement du Québec aurait la capacité de conclure de façon autonome des accords internationaux concernant ses domaines de compétences. De plus, le gouvernement québécois s’octroie le droit d’exclure le Québec de tout engagement international conclu par le gouvernement fédéral s’il considère ne pas avoir été adéquatement consulté, à condition que l’objet de l’accord en question relève des compétences provinciales.

 En outre, la loi constitutionnelle offrirait au Québec une plus grande représentation au sein de la Chambre des communes, du Sénat et de la Cour suprême. Le gouvernement du Québec pourrait d’ailleurs émettre des recommandations auprès du gouvernement fédéral concernant la nomination des juges représentant le Québec à la Cour suprême.

 Cependant…

La Loi constitutionnelle n’a pas encore été adoptée. Son adoption nécessite un vote du parlement, et les trois partis d’opposition sont, à l’heure actuelle, unanimement opposés à la loi telle que présentée. Toutefois, le gouvernement Legault étant majoritaire, cette nouvelle loi pourrait tout à fait être adoptée même sans l’avis de l’opposition. Il est d’ailleurs pertinent de noter que le texte de loi ne prévoit, pour le moment, aucune clause d’amendement. Ce détail signifie qu’un vote de l’Assemblée nationale suffirait à modifier la constitution conférant conséquemment à un gouvernement majoritaire un pouvoir entier sur celle-ci. Parallèlement au pouvoir législatif québécois, il faut prévoir le fait que les institutions fédérales auront également leur mot à dire et qu’il est difficilement concevable qu’une loi constitutionnelle puisse être adoptée unilatéralement par le Québec.

 Néanmoins, le ministre Simon Jolin-Barrette se dit prêt à effectuer des consultations élargies et à engager des discussions sur les éléments controversés de son projet. Il espère, à terme, convaincre l’opposition.

 

 

Assemblée nationale du Québec (2025) Projet de loi no 1 Loi constitutionnelle de 2025 sur le Québec. Assemblée nationale du Québec. Projet de loi constitutionnelle de 2025 sur le Québec | Gouvernement du Québec

 Gouvernement du Québec (2024) c-12 – Charte des droits et libertés de la personne. LégisQuébec. c-12 – Charte des droits et libertés de la personne

Gouvernement du Canada (1867) Loi constitutionnelle de 1867. Gouvernement du Canada. LOIS CONSTITUTIONNELLES DE 1867 à 1982

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