Décortiquer la dette

Tracts, dépliants et macarons anti austérité sur toutes les tables. La salle 0A du De Koninck était presque pleine, jeudi dernier. Tasse de Che Guevara à la main, le chercheur Simon Tremblay-Pepin présente une conférence sur la dette québécoise. Au fil d’un long exposé, il décortique la réalité de ce gros mot économique.

« Le gouvernement nous offre trois types de dettes différentes. La plus grosse, c’est la dette du secteur public [256,4 milliards de dollars]. Là, vous mettez la dette brute du gouvernement, mais aussi l’ensemble des dettes des municipalités, la dette d’Hydro-Québec, sans tenir compte de ce qu’ils ont comme argent dans leur compte en banque ou de leurs bâtiments », énumère Simon Tremblay-Pepin.

Ensuite vient la « dette brute », qui équivaut à 191,8 milliards de dollars. Cela comprend la dette du gouvernement plus « quelques autres choses, dont particulièrement l’argent que va devoir le gouvernement à ses employés quand ils prendront leur retraite. Ici, il ne s’agit pas d’une véritable dette. Le gouvernement n’emprunte pas sur les marchés financiers. Il se dit : “ je vais devoir ça à un moment donné ” », explique le chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS). C’est d’ailleurs à cette dette que renvoie le gouvernement dans ses annonces.

Finalement, il y a la « dette nette » [175,4 milliards de dollars], qui est ce « que le gouvernement a dans ses poches » une fois « les actifs financiers retirés de la dette brute ».

Ce qu’il faut retenir, c’est la différence entre l’état de la bonne dette et celui de la mauvaise dette. « La part de la dette due à l’achat d’infrastructures représente 66 %, alors que la part de la dette due aux déficits cumulés ne représente que 33 %. Le gouvernement a d’abord fait l’achat d’infrastructures, ce qu’on appelle la bonne dette. Comprenez bien, des fois, on peut acheter des infrastructures, mais c’est une mauvaise dette… par exemple le Stade olympique », exemplifie le conférencier.

Le pire, selon Simon Tremblay-Pepin, est dans la dette des individus, c’est-à-dire celle contractée par les gens aux banques ou aux compagnies de cartes de crédit. C’est elle qui croît le plus vite. « C’est sur ce plan que le Québec est un des pays les plus endettés au monde. On a même dépassé le niveau d’endettement des États-Unis à l’époque de la crise [de 2008] », fait-il remarquer. Rappelons que la dernière crise a pris racine dans les dettes des particuliers.

Des armes aux militants

Le chercheur reproche au gouvernement de dissimuler l’austérité sous le couvert de la lutte contre la dette. Il l’accuse également de jouer sur les mots en utilisant « rigueur » et « gestion responsable » pour ne pas parler d’austérité. « Cet argument tient sur deux justifications. D’un côté, mes dépenses sont en train d’augmenter. D’un autre côté, et par ailleurs, j’investis dans les infrastructures », reproche le conférencier.

Les dépenses en 2014-2015 ont augmenté de 1,8 %. En 2015-2016, elles sont censées augmenter de 0,78 %.

M. Tremblay-Pepin déconstruit l’argument en impliquant la hausse de la population : « Il y a plus de monde à qui offrir des services, donc forcément, on a besoin de plus d’argent pour offrir les mêmes services. »

Qui plus est, l’inflation, c’est-à-dire la hausse naturelle et continue des prix, pousse les dépenses à la hausse. « À deux reprises, en 2011-2012 et en 2012-2013, la croissance des dépenses gouvernementales a été en dessous de l’inflation et vous voyez que pour 2015-2016, on retourne en dessous de l’inflation. Donc, en disant que la croissance des dépenses augmente chaque année, le gouvernement oublie une donnée majeure », décortique-t-il.

« La seule chose que peut entendre le gouvernement si on ne veut pas des mesures d’austérité, c’est la construction d’un rapport de force », conclut-il.


 

L’intégral de la conférence est offert sur le compte YouTube d’Impact Campus.

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