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Économie et environnement : Entre amour et haine

Alors que les photos de profil verdissent entre les vidéos sur la décroissance et que les commentateurs décrient son absence dans la campagne électorale, l’environnement se faufile tranquillement à l’ordre du jour. Pendant ce temps, pour certains politiciens qui disent avoir en tête les intérêts économiques du Québec, les enjeux environnementaux ne semblent parfois être qu’une arrière-pensée. Est-ce que les promesses vertes se font automatiquement à l’encontre des billets verts? Le professeur du Département d’économie de l’Université Laval, Patrick Gonzalez, se méfie d’une adéquation aussi simple.

« L’économie n’est pas en opposition à l’environnement, mais il y a certainement des dimensions et des phénomènes économiques qui eux peuvent l’être », précise M. Gonzalez. Il est aussi possible pour ces deux sphères puissent être liées entre elles.

Sur une base normative, l’économie peut servir de guide pour suivre les préoccupations environnementales de la population. « On va dire : donner des principes économiques pour aider à faire les bons choix », résume le professeur. Il appuie ses dires par l’exemple d’un économiste proposant des solutions comme une taxe pour aider à préserver des ressources.

« En général, on essaie de monnayer et de mettre des valeurs pour pouvoir faire des comparaisons. Parfois, ça se fait assez bien, par exemple, avec les bélugas, c’est cute. Le monde savent c’est quoi et ça peut faire du tourisme, mais quand tu arrives avec ta rainette faux-grillon, c’est plus difficile. »

Il demeure que les questions environnementales sont assez récentes à l’échelle de l’histoire humaine. C’est souvent à cause de cela que ça accroche. « Le monde était vu comme un grand terrain de jeu économique pour les êtres humains. Alors quand les préoccupations environnementales sont apparues avec la naissance du mouvement écologique dans les années 60, il y a eu une confrontation », relate M. Gonzalez, avouant que c’est un sentiment qui est encore bel et bien présent.

Ceux qui sont écologistes vont toujours vouloir protéger la nature et ceux qui sont pro-industries vont tout faire pour pouvoir passer. D’une perspective publique, les décideurs doivent tracer une ligne quelque part. Ça reste surtout du cas par cas, selon ce qu’explique le professeur.

Live long and prosper

Patrick Gonzalez est tout de même conscient que l’intérêt économique est souvent mal perçu par les franges plus écologistes. Il a lui aussi vu les vidéos sur la décroissance qui ont tourné sur les médias sociaux cet été et le professeur est en total désaccord avec ce discours. « C’est une position que je trouve très radicale et réductrice, qui est un grand retour en arrière », s’exclame-t-il.

Pour lui, la croissance est résolument une bonne affaire. Il indique qu’elle peut se manifester de plusieurs façons; par exemple, le développement humain peut lui aussi être vu comme étant une forme de croissance.

« À travers l’occident en général, il y a une désindustrialisation depuis 20 à 25 ans. On est passé aux finances, aux arts et aux sciences. Ce sont beaucoup plus de secteurs tertiaires et ça ne veut pas nécessairement dire que cette croissance empiète sur la nature, parfois même c’est tout le contraire ! »

De l’autre côté, M. Gonzalez dit être le premier à être d’accord que ce n’est pas avec l’étalement urbain et l’industrialisation à outrance que l’environnement sera préservé. Il comprend les préoccupations des gens qui soutiennent des propositions émanant de ce type de discours, mais n’emploierait jamais le terme décroissance.

« Je suis de nature plutôt optimiste et la croissance peut très bien être compatible avec un monde plus radieux et plus environnemental », remarque le professeur. Quand il en parle à ses étudiants, il donne en exemple Star Trek : « Dans cette vision, tout a l’air beau; c’est idyllique. Ça, c’est une croissance réussie dans mon esprit et ça ne veut pas nécessairement dire une destruction de la nature. »

Realpolitik

Il serait difficile de ne pas aborder la campagne qui bat son plein dans la province. Les propositions environnementales sont bien différentes de parti en parti, tant en quantité qu’en intensité. Pour Patrick Gonzalez, l’environnement a toutefois le dos large et sert parfois à appuyer d’autres priorités partisanes.

Il donne en exemple les investissements promis en transport en commun par Québec solidaire. « Les gens de la gauche ont toujours été pour le transport collectif parce que c’est plus égalitaire. Par contre, en termes de consommation d’énergie ce n’est pas toujours si génial, une voiture ne roule jamais vide, mais à deux heures du matin, un autobus peut rouler vide », défend le professeur. Pour lui, au Québec, il est clair que du côté du transport, le seul point qui fera une réelle différence écologique, c’est celui de l’électrification.

Beaucoup de questions demeurent tout de même inconnues du large public, surtout celles entourant la protection de la nature et des habitats. Selon le professeur, ce sont pourtant ces questionnements qui ont le plus de chance d’exacerber les heurts entre les intérêts économiques et environnementaux. « Pour ces cas, les décisions ne se prennent généralement pas en élection, parce qu’ils sont loin des préoccupations courantes des citoyens, contrairement au transport qui implique tout le monde», explique-t-il.

Il y a tout de même un enjeu de protection de la nature qui soulève un peu plus les passions, celui de l’exploitation des hydrocarbures au Québec. Même pour un économiste, il y a plusieurs façons d’examiner la question. « Dans ce genre de décision publique, il n’y a personne qui a raison ou qui a tort, comme on est dans une démocratie », conclut M. Gonzalez, convaincu qu’il y a une panoplie d’avenues économiques pour l’avenir.

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