Enseigner l’anglais en Chine

«L’expérience des autres a un prix, et d’autres ont déjà payé pour toi». Quand mon père m’a fait avaler cette phrase pleine de sagesse, elle s’est accrochée quelque part près des deux cents millions de cellules nerveuses que compte mon estomac… Blague à part, l’adage m’est revenu en mémoire au moment où j’ai rencontré Mona Lanzaro. Professeure d’anglais en Chine depuis 16 ans, son expérience a probablement autant de valeur qu’un grand crû pour celui ou celle qui désire enseigner l’anglais dans le pays le plus populeux du monde.

Dans les années 1990, Mona Lanzaro s’est rapprochée du groupe Project Hope, une mission humanitaire dédiée à l’amélioration des conditions de vie des enfants à travers le monde. Femme et mère de trois enfants, elle a quitté Los Angeles pour la Chine, un peu après son divorce. Libérée de ses attaches, l’aventure devait au départ durer seulement un an. Les années deviennent si vite des décennies!

Encore aujourd’hui, la passion fait scintiller ses pupilles. Elle s’émerveille toujours d’enseigner une culture et une langue difficile d’accès aux jeunes adultes de la Chine continentale, l’anglais.

Voici donc ses conseils :

Être strict. En Chine, la culture scolaire veut que les professeurs développent des liens amicaux avec les étudiants. Si les communications avec les élèves prennent souvent des teintes amicales, madame Lanzaro suggère de maintenir une certaine rigueur dans la forme du cours afin d’en garder le contrôle. Un contrôle parfois plus difficile à conserver depuis que les téléphones intelligents ont envahi les salles de classe, comme le souligne Mona Lanzaro, qui se souvient d’élèves l’ayant remercié pour sa rigueur.

Favoriser la proximité en dehors de la salle de classe. Les étudiants qui ont le plus d’affinité avec le professeur n’hésiteront pas à inviter le laoshi (professeur) au restaurant. Il faut cependant se méfier; dans certains cas, ce type d’invitation a pour objectif l’«ajustement» de résultats scolaires… Cela dit, madame Manzaro invite régulièrement certains élèves de sa classe à manger chez elle. Inhabituelle au Québec, cette pratique est encouragée en Chine. Selon Mona Lanzaro, les directions d’établissement croient que les étudiants en profitent pour améliorer davantage leur anglais et leurs connaissances culturelles.

Adapter son enseignement. Vos professeurs vous ont-ils déjà promis des récompenses en échange d’une bonne performance? Au Canada comme aux États-Unis, on offre des bonis aux étudiants afin de les motiver à travailler davantage. Mona Lanzaro explique qu’ici, ils ne comprennent pas ce concept. À éviter!

Comprendre les méthodes d’enseignement chinoises. Mona Lanzaro constate que les enseignants chinois préfèrent s’en tenir aux contenus des livres obligatoires dans leur enseignement. Résultat, les élèves seraient plus enclins à simplement absorber la matière sans initier leurs propres réflexions. Le professeur étranger, qui, comme Madame Lanzaro, sort des sentiers battus, risque de faire face à une classe assez silencieuse après une question inattendue.

Sortir des sentiers battus (pour les plus téméraires). En Chine, les étudiants n’ont pas de cours d’éducation sexuelle. Les parents préfèrent éviter le sujet et les écoles ne font que peu (ou pas) de sensibilisation. Conséquence notable; si la pratique de l’avortement est monnaie courante, madame Lanzaro note que, bien souvent, les jeunes adultes de ses classes ne savent pas en quoi cela consiste. La Californienne a montré à ses élèves une vidéo révélatrice à ce sujet afin de les inciter à utiliser des moyens de contraception. Au cours de ses 16 années d’enseignement, madame Lanzaro a aussi conscientisé les étudiants à la question environnementale par le visionnement du film HOME (gratuit sur YouTube, pour les intéressés). Celui ou celle qui ose offrir à ses élèves ce type de contenu aura l’impression d’avoir fait une petite différence dans la société chinoise.

Madame Lanzaro a annoncé son départ de l’Institut des sciences et de la technologie du Hunan en juillet prochain. Après autant d’années passées la craie à la main, elle retournera à Los Angeles en emportant avec elle d’agréables souvenirs.

 

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