Isabelle Genest, première femme à la tête de Centraide Québec, Chaudière-Appalaches et Bas-Saint-Laurent

Le 2 juin dernier, le conseil d’administration de Centraide Québec, Chaudière-Appalaches et Bas-Saint-Laurent ont annoncé, après un rigoureux processus de sélection, la nomination de madame Isabelle Genest à titre de présidente-directrice générale de l’organisation. Il s’agit de la première fois en 75 ans d’histoire qu’une femme occupera le poste de PDG. Notre équipe s’est entretenue avec elle. 

Par Emmy Lapointe, cheffe de pupitre aux arts

Impact Campus : Est-ce que vous pouvez me parler un peu de votre parcours scolaire et professionnel ?
Isabelle Genest : J’ai fait musique, mais je n’ai pas terminé. Je viens d’une famille de musicien.nes. À travers ça, ce qui me passionnait entre autres de la musique, c’est le côté de la musique baroque et son côté cartésien, parce que j’aime beaucoup les sciences, les mathématiques, et il y a de beaux liens à faire entre les deux. Après, j’ai parti mon école de musique. Très jeune, j’ai eu deux enfants. En élevant mes enfants, c’était parfait d’avoir une école de musique à la maison, mais après, ça a été plus le développement d’affaires. J’ai joint plusieurs entreprises. Après un certain moment, j’ai fait aussi de la formation consécutive, et c’est là que j’ai embarqué dans des programmes de formation. J’ai été sélectionnée au MIT. C’était surtout du perfectionnement au niveau de marketing techno, des ventes à l’international. Je suis aussi certifiée comme entrepreneurship educator par le Babson Price College. Quand je regarde en arrière de moi, ce qui a marqué mon parcours, c’est vraiment l’entrepreneuriat, travailler pour plus grand que moi. C’est ce qui m’a menée à la philanthropie naturellement. Je suis ancrée dans ma région, je suis en amour avec Québec, et je veux participer un petit peu à la rendre meilleure.

I.C. Comment avez-vous trouvé votre entrée en poste, par intérim, en mars dernier dans les circonstances  qu’on connaît tous et toutes ?
I.G. L’intérim, ce n’était pas quelque chose qui était prévu que je prenne. Cependant, le départ de l’ancien PDG était préparé. Ce n’est pas sorti d’un chapeau. Le départ a été bien préparé. Après ça, ce n’est pas la direction qui décide de l’intérim, c’est le conseil d’administration qui se penche sur la question et qui demande à quelqu’un de prendre cette responsabilité-là. On me l’a demandé, et j’ai accepté avec honneur. L’objectif, quand on prend l’intérim, c’est de garder le bateau à flot, de garder l’équipage à bord, mais je ne suis pas toute seule avec les mains sur le gouvernail, on a vraiment une direction forte chez Centraide. Puis, j’ai réfléchi à savoir si je voulais vraiment être assise à ce poste, et j’ai pris la décision de postuler. 

I.C. Est-ce que vous anticipez des problématiques accrues liées au confinement et au déconfinement ?
I.G. Oui, on le voit déjà. Au début de la pandémie, ce qu’on voyait beaucoup, c’était des enjeux liés aux besoins essentiels : se nourrir, se loger, se vêtir. Quand il y a un tremblement de terre, ce n’est pas ceux au milieu de la table qui tombent en premier. Ce sont ceux qui sont déjà fragiles, qui sont sur le bord. Il y avait des gens qui n’étaient pas en situation de pauvreté complète, et quand je parle de pauvreté, je ne parle pas que financièrement, et que c’est la secousse de trop qui les a fait tomber. Ça prend beaucoup de courage pour venir chercher de l’aide, je les admire profondément. Par exemple, les demandes d’aide alimentaire ont doublé depuis le début de la pandémie dans la région, et là, ce n’est pas descendu. Ce qu’on voit dans les populations en détresse, dans la région ici particulièrement, c’est les enjeux de santé mentale qui sont en escalade. Les féminicides qu’on voit dans l’actualité, c’est la pointe de l’iceberg. L’isolement chez les aînés, la toxicomanie aussi, c’est plus difficile. Et ça, oui, ça augmente l’itinérance, oui dans certains cas, ça augmente la criminalité, mais ce n’est pas seulement ça. Il y a des gens partout qui sont touchés et même qui sont encore fonctionnels. Ce que ça fait, c’est qu’il y a plus de demandes et il y a une pression accrue sur les organismes communautaires qu’on soutient, et par la bande, c’est que les travailleurs et travailleuses du milieu communautaire sont épuisé.es. Donc il faut vraiment améliorer leurs conditions de travail, parce que ce sont les remparts, eux aussi, ce sont les « anges gardiens ». Ce qu’il faut savoir, c’est que si on n’avait pas eu nos groupes communautaires pendant la pandémie, le système de santé aurait peut-être atteint son point de rupture.

I.C. Est-ce qu’il y a quelque chose qui vous fait peur dans ce nouveau poste ?
I.G. Le piège, c’est que quand on est chef.fe d’orchestre, il faut savoir jouer de tous les instruments comme un virtuose, mais ce n’est pas vrai. Ça prend des gens meilleurs que nous autres sur des chaises. Ça pourrait être un piège facile dans lequel tomber. Il faut faire confiance à son équipe et à ses compétences.

I.C. Parfois, pour qu’une femme soit respectée à un poste, elle doit surperformer. Est-ce que le fait d’être la première femme PDG vous met de la pression ?
I.G. Je pense que comme femme, c’est facile d’intégrer ça sans s’en rendre compte, de toujours surperformer pour arriver à la même chose, à la même reconnaissance. Moi, ce n’est pas comme ça que je me sens, mais il faut dire que oui, je suis la première femme à la tête de Centraide, mais on est paritaire au CA depuis un bon bout de temps, on est majoritairement des femmes dans l’équipe de direction. En fait, le communautaire, c’est majoritairement des femmes. Je ne suis pas dans une industrie comme les finances par exemple, si c’était le cas, je tiendrais peut-être un autre discours. Ce n’est pas parce que moi je ne le vis pas que ça n’existe pas. On n’en parlera pas pendant des mois, mais c’est pour ça que c’est important de le nommer que je suis la première femme, parce qu’il y a tellement de femmes qui auraient dû avoir des jobs de PDG, pas nécessairement chez Centraide, et qui ne les ont pas eues, parce qu’elles étaient des femmes.

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