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Fake News : Distinguer le vrai du faux

Au moment où l’encadrement légal des fausses nouvelles constitue un point chaud de l’actualité médiatique, le président français Emmanuel Macron souhaite entériner une loi visant à lutter contre la propagation de fausses informations.

Alors que la révolution technologique a aboli les frontières terrestres et a optimisé la vitesse de propagation du contenu sur diverses plateformes, les fausses nouvelles constituent plus que jamais un fléau dans l’univers médiatique.

La popularité sans cesse croissante des blogues et des plateformes numériques telles que Facebook et Twitter ont offert de nouvelles possibilités au public de créer du contenu. Dès lors, les nouvelles peuvent être générées et publiées par qui veut bien se faire entendre. Il devient alors difficile pour monsieur et madame Tout-le-Monde de faire la part des choses quant à la véracité de toutes les informations mises à leur disposition, la marge d’interprétation et le contexte étant équivoques.

Si le président français estime que le flux de fausses nouvelles qui circulent est plus proéminent en période de campagne électorale et sur Internet, il projette encadrer plus strictement ces deux aspects des fausses informations. Cela soulève toutefois une nouvelle question d’envergure : mais où donc placer les limites afin de ne pas contrevenir aux libertés individuelles fondamentales d’expression ?

La clé de l’indépendance étatique

Dans les démocraties, la liberté individuelle d’expression fait partie intégrale des droits fondamentaux. Le pouvoir démocratique est basé en majeure partie sur la voix du peuple et sur son adhésion aux institutions en place. Or, le droit de s’exprimer peut se retrouver en danger si l’on donne à l’État le droit de juger par lui-même de ce qui est vrai ou faux, anéantissant toute nouvelle susceptible de nuire à ses membres à l’interne.

Louis-Philippe Lampron, professeur de droit à l’Université Laval soutient par ailleurs qu’il existe déjà des règlements en vigueur visant à enrayer la propagation de faussetés. À titre d’exemple, on bannit notamment dans la majorité des pays occidentaux la propagande haineuse et la diffamation de façon plus générale.

Bien que M. Lampron juge louable le projet de Macron, il ajoute quand même que tout est question de nuance : « Qu’est-ce qui est objectivement faux ? Et qui en décide ? Le gouvernement a le devoir d’offrir des services à la population, mais l’histoire nous a démontré que le gouvernement va user de tous les moyens possibles pour avantager ses propres membres et s’assurer une réélection. »

Donald Trump en a d’ailleurs fait la démonstration au monde entier lors de sa course à la présidence américaine en 2016, lui qui qualifiait de « faits alternatifs » et de « fake news » toute parution qui pouvait le présenter sous un mauvais jour et ainsi diminuer drastiquement ses chances comme candidat. « Les faits alternatifs c’est salement problématique, car c’est une chose que d’avoir des interprétations divergentes des faits, mais c’en est une autre que de carrément ne pas tenir compte de la réalité », s’est indigné le professeur de droit.

Le danger de l’implication du gouvernement

« À partir du moment où l’on se tourne vers l’État pour être le gardien de l’arbitrage entre le vrai et le faux, on donne une arme qui est extrêmement puissante à l’État et une arme qui peut permettre la censure des points de vue qui ne lui conviennent pas, sous le couvert de la fausseté. C’est extrêmement problématique », s’inquiète-t-il.

Or, il existe une disposition dans l’arrêt Zundel, instauré en 1992 par la Cour Suprême visant à contrer l’interdiction générale de ce que l’on croit être de fausses nouvelles, et ce, en raison de sa prédisposition à violer de façon injustifiée le droit du peuple de s’exprimer.

« Il faut adapter les législations pour lutter contre ce nouveau phénomène qui est maximisé par les réseaux sociaux, parce que manifestement, les grands acteurs privés qui sont responsables de la caisse de résonance donnent beaucoup de poids aux fausses nouvelles et à la désinformation, a-t-il poursuivi. Le projet est pavé de bonnes intentions, mais si l’idée de base peut être bonne, le mécanisme peut être absolument nocif pour la démocratie. »

En guise d’alternative à la prise de décision arbitraire de l’État, M. Lampron suggère plutôt le « déréférencement plus rapide de nouvelles sur les réseaux sociaux, lesquelles ont été, après une enquête indépendante, affirmées comme étant fausses pour éviter que les gens continuent à s’en alimenter ».

Prônant l’indépendance du gouvernement quant au jugement posé sur la véracité des nouvelles en circulation, il conclut : « Il va falloir être très attentif aux nouveaux projets comme celui annoncé par le président Macron. L’objectif est louable, mais il faut faire attention de ne pas instrumentaliser un mal pour être capable d’avantager indûment le pouvoir en place ».

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